#2 Transquadra, Madère – Martinique, Carnet de voyage

8 février 2015

Marina du Marin

Marina du Marin, Carnet de voyage Transquadra, Delphine Priollaud-Stoclet

Réveillée par le bruit de la pluie battante contre les volets, j’émerge à 4h30 du matin. Les joies du jetlag…
Malgré la nuit encore bien noire, il n’est pas difficile de comprendre qu’il fait un temps épouvantable.
Le jour se lève d’un coup, dévoilant un ciel plombé. Il pleut à torrents et un brouillard gris floute les contours de la marina.
Mon premier dessin martiniquais sera donc en noir et blanc.
Je tente une expédition au marché du Marin, escomptant une éclaircie miraculeuse. Peine perdue, j’arrive trempée et mes tongs font flic-flac. Mais bien vite, le charme des étals débordants de fruits appétissants aux couleurs chatoyantes et la faconde des marchandes me réchauffe comme un coup de soleil.

Le marché du Marin

Le marché du Marin, gouache et encre.

« Ah ben vous êtes encore là ! »
Je sursaute en reconnaissant mon voisin de siège dans l’avion.
Je tente un « Tiens, vous aussi vous êtes de la Transquadra ? » avec un petit sourire entendu. Il me dévisage, interloqué, comme si je lui avais demandé s’il faisait partie d’une secte : « heu non, on s’apprête juste à partir en croisière entre amis… » Je plonge le nez dans mon dessin en bafouillant : « Ben, bonnes vacances alors !  »
Direction la Marina pour repérer le QG de la Transquadra. J’erre comme une malheureuse toute dégoulinante de pluie à travers les boutiques à touristes, les shipchandlers et les loueurs de catamarans de croisière en essayant de me repérer. Croisant le chemin de deux équipiers de la Transquadra fraîchement arrivés, nous discutons 5 minutes tout en cherchant le bureau de course.
_ Félicitations ! Vous êtes arrivés quand ?
_ Dans la nuit…
Je suis stupéfaite de leur trouver l’air si détendu après 15 jours de course. Moi qui suis défaite au bout de 8 heures de vol passées à lire, manger, dessiner et regarder des films…
_ Alors, tout s’est bien passé ?
_ Super, à part les sargasses qui nous ont pourris. (Une ombre passe dans leur regard soudain plein d’une haine féroce… Vous croyez que j’exagère ?)
_ Ah oui, Laurent m’a demandé de lui expédier des millions de tonnes d’acide sulfurique pour en venir à bout.
_ Nous, on a pensé au napalm !
Au PC course, un rouge me confirme l’arrivée de Laurent prévue dans la soirée, vers 20h30. J’ai tellement hâte de le serrer dans mes bras.
« Bon, vous avez toute la journée pour vous en l’attendant, profitez-en !  »
Il s’est enfin arrêté de pleuvoir.
Je déambule sur le ponton 5 où s’alignent les les premiers arrivés, dont Pierrick Penven sur Zéphyrin, radieux vainqueur des solitaires toutes catégorie.

Pierrick Penven sur Zéphyrin

Pierrick Penven sur Zéphyrin, Encre et aquarelle

Puis je m’attaque à Marylou, juste à côté.
De plus en plus menaçants, les nuages s’accumulent à nouveau et le ciel noircit. Çà y est, les premières gouttes tombent drues et je n’ai que le temps de plier mes affaires en pestant.
_ Allez, venez vite vous mettre à l’abri !
Waouh… un jeune homme brun et ténébreux me fait signe de monter à bord de son gros bateau à moteur.
_ Merci, c’est vraiment sympa.
_ Pour l’art, on ferait n’importe quoi, dit-il en souriant avec des yeux qui pétillent.
Installée sur une banquette moelleuse, à l’abri d’un auvent de toile, dessiner sous la pluie prend alors une toute autre dimension.

Marylou au ponton 5

Marylou au ponton 5, encre et aquarelle

De retour à la maison, je fais un truc qui me paraissait impensable aux Antilles : une tasse de thé brûlant et un long bain bouillant pour me réchauffer car je suis totalement frigorifiée… et désespérée par ce temps pourri qui ne semble pas vraiment sur le point de s’arranger.
Bien décidée à profiter malgré tout de mon après-midi, je réserve une excursion sur l’Aquabulle, un bateau à coque de verre qui permet d’observer les fonds marins. Un plan « vacances débiles à la c… », mais pour une fois, j’assume !
J’embarque donc à 15h00 en compagnie d’un groupe de braves retraités bedonnants et de familles encombrées d’enfants surexcités. Delphine, ne te plains pas, c’était couru d’avance. Tiens, un coin de ciel bleu se dévoile.
Même à travers les parois vitrées de l’Aquabulle et les commentaires ridicules de mes voisins, la magie opère : je ne me lasse pas du spectacle des poissons vibrionnants entre les coraux tels des éclairs d’arc-en-ciel.

Les petits poissons

Les petits poissons, encre et aquarelle

Après une baignade – snorkelling, Clément sert le gouter à bord .
Et hop, un planteur ! Il n’est que 16h30, mais c’est délicieux à n’importe quelle heure.

Clément de l'Aquabulle

Clément de l’Aquabulle, gouache

Fin d’après-midi au Marin.
Je consulte fébrilement les derniers relevés de position. Oxymore est toujours prévu dans la soirée, malgré le vent qui faiblit.
A l’Annexe, je déguste un fabuleux ti punch accompagné d’accras croustillants. J’enchaîne avec le pot de bienvenue offert aux familles par l’Office du Tourisme du Marin. OK pour le planteur fruits de la passion ! J’ignore si mon foie résistera à mes vacances martiniquaises…
Le ciel se pare de teintes flamboyantes et la nuit tombe brutalement. J’ai la tête qui tourne mais impossible de résister à l’appel d’un dessin, surtout quand la lune s’en mêle. Incroyables nuances bleu nuit, bleu marine, bleu roi. Les mats se dressent comme des tiges suspendues par dizaines aux étoiles.
Affalée sous un lampadaire, je goûte le bonheur de peindre les fières silhouettes des bateaux au mouillage en tendant l’oreille pour glaner au vol des bribes d’aventure. « … le premier qui nous sert un plat d’algues au restau, il est mort… »

Marina du Marin, nocturne

Marina du Marin, nocturne, gouache

Comment tuer le temps avant l’arrivée d’Oxymore… Je suis pompette.
Tu me manques et les dernières minutes sont interminables. N’y tenant plus, je me hâte vers la jetée, munie d’un livre pour patienter et d’une bouteille de Champagne. La VHF d’un rouge qui fait les cent pas grésille. Ça y est enfin, on annonce l’arrivée imminente de deux bateaux. Mon cœur fait des bonds. C’est bien toi !!!!!
A 20h19 et 54 secondes tu franchis la ligne d’arrivée, second des solos. Encore un peu de patience avant de voir s’avancer dans le port la coque grise d’Oxymore derrière le zodiac des rouges qui te guide jusqu’à ta place. Enfin, tu t’amarres vers 21h15.
On t’accueille avec des applaudissements et un verre de rhum. Tu souris, radieux avec ta barbe de 15 jours, bronzé, vif et alerte comme si tu venais de faire une simple promenade en mer. Je me jette littéralement dans tes bras en m’envolant sur Oxymore juste avant de me faire engueuler par le rouge qui doit vérifier à bord que tout est bien conforme.
C’est un moment magique : flashs des appareils photo, caméra, interview. J’essuie discrètement une larme de fierté et de joie.
Quelle belle victoire !
Tu as réalisé ton rêve.

Laurent à l'arrivée, Transquadra 2015

Laurent à l’arrivée, Transquadra 2015

Un croquis, une histoire. Le temple Baphuon à Angkor (Cambodge)

Le Baphuon, Angkor, Cambodge

Le temple Baphuon, à Angkor. Encre et aquarelle. Delphine Priollaud-Stoclet, décembre 2014

Second jour de visite sur la plaine d’Angkor. Les mots ne suffisent pas à décrire la beauté des fromagers enlaçant la pierre et la noblesse de ces ruines encore si fastueuses et monumentales.
Dessiner à Angkor est un rêve de longue date.
Je prépare mon sac, tout excitée à l’idée de peindre Angkor Wat et d’autres sites remarquables dans mon carnet cambodgien.
Arrivée sur place, c’est la catastrophe ! J’ai bêtement laissé sur le bureau de ma chambre d’hôtel la trousse contenant mon précieux matériel de dessin. Je n’ai en tout et pour tout qu’un flacon d’encre de Chine noire et une palette d’aquarelle. Ni feutres, ni pinceaux, ni crayons.
Rien.
Oscillant entre rage et désespoir, je préfère finalement céder à la pulsion créative qui me conduit à ramasser une collection de brindilles, feuilles mortes, et autres capsules cabossées pour fabriquer des outils à dessiner différents et étonnants.
Je teste avec entrain ces calames improvisés : traits aléatoires, excès d’encre, taches, coulures, manques, gris nuancés et noirs intenses. Peu importe le résultat : je m’amuse beaucoup, détachée de la « nécessité » de bien faire. Adviendra ce qu’il adviendra… Quelques couleurs diluées avec ma bouteille d’eau et appliquées au doigt pour finir en beauté. Finalement, la vraie liberté, c’est de ne rien avoir et de faire avec les moyens du bord.

A quoi sert le dessin, à fortiori le carnet de voyage ?

Souk Attarinne, Marrakech

Souk Attarinne, Marrakech, novembre 2014. Delphine Priollaud-Stoclet

« Le travail de l’auteur suggère la possibilité d’une fiction suprême, reconnue comme fiction, dans laquelle l’humanité pourrait à soi-même s’offrir un comblement. Dans la création d’une telle fiction, quelle qu’elle soit, la poésie serait dotée d’une importance vitale. Les nombreux poèmes qui se rapportent aux interactions de la réalité et de l’imagination doivent être considérés comme situés en marge de ce thème central. »
Wallace Stevens, Lettre,

Remplacez « auteur » par « peintre » et « poésie » par « dessin »…

La clameur de Djema El Fna

La clameur de Djema El Fna, Carnet de voyage au Maroc, novembre 2014


À quoi sert le dessin, à fortiori le carnet de voyage ?

À produire une belle image marketée sur papier glacé, un cliché reproductible et déclinable à l’infini reprenant tous les codes « style carnet de voyage » : joli dessin exotique sur papier journal, collages d’étiquettes usées et désuètes, calligraphies abusant des pleins et des déliés, aquarelle brillante et belle facture … Bref, une image formatée comme un tube de l’été avec une recette qui a fait ses preuves ? Ou bien est-ce une mémoire sensible, une image intériorisée moins immédiate et plus difficile à cerner, une prise de risques et une recherche parfois déstabilisante et pas toujours très jolie ? Un territoire inconnu finalement, à mille lieux des sentiers balisés et rebattus qui ont la faveur de tous ceux qui craignent finalement ce qui leur est étranger et demande un effort…
Le débat est ouvert !

Et pour ceux qui s’intéressent à la question de l’interprétation, de la vérité, du statut de l’oeuvre par rapport à la réalité, je vous invite à découvrir le poème de Wallace Stevens, poète américain (1879-1955) intitulé Treize façons de regarder un merle.
Ce poème montre à quel point notre manière de regarder, d’observer la réalité et l’interprétation qui en découle modifie notre perception. Il n’existe pas de point de vue unique, mais une infinité d’imaginations (de « mises en images ») possibles et subjectives. En tout cas, il est bon de s’éloigner des apparences…

I
Entre vingt pics neigeux,
Tout était immobile
Hormis pour l’œil d’un merle.

II
J’avais trois idées en tête,
Comme un arbre
Où sont juchés trois merles.

III
Le merle tourbillonnait dans les vents d’automne —
Une petite partie de la pantomime.

IV
Un homme et une femme
Sont un.
Un homme et une femme et un merle
Sont un.

V
Je ne sais ce que je préfère
De la beauté des inflexions,
De celle des sous-entendus.
Le merle sifflotant,
Ou juste après.

VI
Des glaçons garnissaient la fenêtre allongée
De verre barbare.
L’ombre du merle la traversait
De part en part.
On sentait,
Tracée dans cette ombre,
Une indéchiffrable cause.

VII
Ô vous, minces hommes d’Haddam,
Pourquoi aller imaginer
Des oiseaux d’or? Mais voyez donc:
Le merle marche entre les jambes
Des femmes qui sont près de vous.

VIII
Je sais de fort nobles accents,
Des rythmes clairs, inéchappables;
Mais je sais, aussi, que le merle
Fait partie de ce que je sais.

IX
Lorsque l’œil le perdit de vue,
Le merle en vol marqua le bord
De l’un des cercles innombrables.

X
Apercevant des merles
En vol dans un jour vert,
Jusqu’aux macs d’euphonie
Qui poussent de hauts cris.

XI
Il passait le Connecticut
Dans une berline de verre.
La peur une fois le saisit:
Il prit l’ombre de ses coursiers
Pour des merles.

XII
La rivière est en branle.
Le merle doit voler.

XIII
Tout l’après-midi, il fit soir.
Il neigeait
Et il allait neiger sous peu.
Le merle restait
Perché dans les branches du cèdre.

La Transquadra fait escale à Madère – Carnet de course en dessins

1er août 2014
Je suis scotchée devant mon écran d’ordinateur, à suivre le classement et la position des concurrents de la Transquadra. Cela fait maintenant un peu plus de 5 jours qu’ils se sont élancés depuis la ligne de départ à Saint-Nazaire. Après un beau départ, Oxymore s’est laissé distancer par Zéphyrin, Pour Aster et Solua. Il se maintient à la quatrième place, et c’est déjà pas mal du tout !
Il est temps de boucler ma valise pour Madère : décollage prévu ce soir depuis Orly Sud.
Une interminable pagaille au check-in, du retard… Bref, on embarque enfin. Je m’installe au siège 1C avec une superbe vue sur le cockpit ouvert pendant les dernières vérifications. Malgré une hôtesse peu coopérante qui me bouche sciemment la vue, je croque aussi vite que possible… J’adore m’incruster dans les cockpits pour dessiner, même si c’est de plus en plus difficile d’y accéder.
Cockpit vol TransaviaJe profite du voyage pour relire les rares mails de Laurent :
29 juillet
Hello !
on est mardi matin, je suis à une quarantaine de milles du cap Finisterre.
RAS à bord, le marin va bien, un peu barbouillé la première nuit mais c’est
passé (normal, quoi), un peu mal à une écorchure à un doigt mais comme j’ai
trop de crèmes, je ne sais pas laquelle mettre alors j’en mets pas,
j’envisage de changer de caleçon un de ces jours… et j’apprécie le
confort de mon pouf.
Quant au bateau, le bilan est, comme on disait dans les années 70 au Parti
Communiste en parlant de l’URSS, « globalement positif » : un accroc au
génois sur le balcon avant lors du départ, et un problème de port informatique qui m’empêche d’avoir les AIS sur
Maxsea !!
Le classement ne va pas être terrible ce matin, je l’attends avec assez peu
d’impatience. Mauvaise nuit.
30 juillet
Curieuse course, décidément. Après une journée d’hier où TOUT s’est fait à
l’envers, aujourd’hui, c’est la tempête !
Le sort était vraiment contre moi hier : d’abord, j’ai eu le seul moment de
quasi-pétole de toute la flotte (1/4 d’heure entre 2 nuages), ensuite,à
chaque fois que j’envoyais le spi medium, 10 mn après le vent atteignait
les 25 nds, donc envoi du lourd pour ne pas exploser le medium,et hop, le
vent passe à 14 nds… d’où re-medium, etc… j’ai fini par laisser le
lourd, mais la vitesse s’en est ressentie. Et en prim, 2 superbes
cocotiers, j’ai récupéré le code 5 entier à chque fois mais c’est un
miracle, et quel bordel après !!
Après ça, donc, tempête! le vent est monté jusqu’à 40 nds cette nuit, avec
une mer déferlante vraiment grosse. J’ai battu le record de vitesse
du bateau (15,84 nds) sous spi,et ensuite le speedo a plusieurs fois
dépassé les 14 nds sous GV 1 ris et solent… Dans cette mer, le pilote a
quand même du mal à gérer (ou bien il est mal réglé ?) donc j’ai barré
jusqu’à 5h30. Depuis, repos, j’ai trouvé une allure où le pilote accepte de
bosser (mer de l’arrière, vent un peu décalé, parfait !),le vent est un peu
tombé mais la mer reste grosse et j’hésite à briser ce fragile équilibre en
renvoyant le code 5. On va voir.
La suite au prochain numéro !
(Pour moi qui ne parle pas le marin couramment, j’ai vaguement compris qu’il y avait eu baston au Cap Finisterre !)
31 juillet
Temps breton en Algarve ?
Non, n’exagérons rien, il ne pleut pas ; mais 25°C et un ciel tout gris à
la latitude de Lisbonne, franchement…
A part ça tout va bien à bord, 20 nds de vent au grand largue, le bateau va
tout seul sous spi ; ça s’est calmé depuis hier, c’est dommage parce que
l’après-midi d’hier et le début de nuit étaient parfaits, temps superbe,
vitesse, à peu près dans la bonne direction (en tout cas pour éviter la
zone sans vent vers la côte portugaise). Le seul truc c’est que je n’ai pas
eu de classement depuis hier 14h, et que ça fait 36h qu’apparemment je suis
seul au monde, personne en vue ni à la VHF à part un cargo russe… on va
voir ce que tout ça donne lors du prochain classement !
Peux-tu m’envoyer les derniers classements par mail ?
J’atterris à Funchal au milieu de la nuit, transfert à la marina de Quinta de Lorde. Je m’écroule dans mon lit.
Arrivée de Laurent prévue demain dans la soirée.

2 août 2014
Je retrouve Madère sans réel plaisir : ce n’est vraiment pas ma destination préférée ! Mais il faut reconnaître la beauté de la pointe Sao Lourenço. Je profite de la matinée pour m’y promener et redécouvrir les roches pigmentées de vermillon, striées d’ocre doré et de violine. Mer indigo.
Pointe de Sao Lourenço
Les premiers bateaux sont arrivés dans la matinée et se succèdent. Le vainqueur de la première manche en double est 3D Développeurs immobiliers skippé par Jean-Pierre Kelbert et Hervé Perroud. Pierrick Penven, vainqueur en solo depuis Saint-Nazaire s’invite pour l’apéro en fin de matinée. Les pontons se remplissent peu à peu, et un comité d’accueil en chemises rouges fête chaque arrivée. Moi, je sirote un planteur aux fruits de la passion en faisant connaissance avec les équipages.
Les Premiers arrivésPierrick Penven, Zéphyrin

 

Déjeuner au Skipper’s Bar qui deviendra la cantine officielle de la Transquadra. Un rapide portrait de Pierrick tout juste débarqué : « J’ai perdu au moins deux kilos, quelle merde ces lyophilisés ! ».
Je harcèle le staff en rouge pour avoir une idée de l’heure d’arrivée d’Oxymore. Ils sont morts de rire et me prennent pour une grande angoissée… Pas du tout ! J’aimerais juste comprendre comment on fait pour estimer le temps restant avec le relevé des positions. Bon, on finit par m’expliquer le rapport entre les miles nautiques et les noeuds et j’en déduis que Laurent devrait poser pied à terre vers minuit.

Marina Quinto de Lorde, MadèreJe dîne en saisissant au vol la belle lumière du soleil couchant. Les drapeaux multicolores flottent au vent, la montagne s’embrase. Plus qu’à attendre maintenant…
A 19H06, je reçois ceci :
Arrivée prévue vers 23H30 heure française, hâte de te voir !
Je le trouve bien optimiste : mes savants calculs m’indiqueraient plutôt 1 heure du mat’ et non 22H30, heure locale… Je décide de mettre le Champagne au frais et de dormir un peu. Vers 23H15, me voilà munie de ma bouteille, me dirigeant d’un pas mesuré vers les pontons avec un bouquin et ma frontale pour patienter… Mon téléphone sonne : « Ben alors, qu’est-ce que tu fous ? Ca fait 1 heure que je suis arrivé. Le bateau est amarré ! «  Je me précipite vers le ponton C, juste dégoûtée de ne pas avoir été là au bon moment… La faute aux relevés de positions !
Oxymore a donc franchi la ligne d’arrivée à 22H40, au bout de 6 jours, 6 heures, 19 minutes et 40 secondes de course. On fête ça dignement au Champagne !
Laurent semble en pleine forme : il m’obligerait presque à plier la grand voile à 1 heure du matin… Après quelques rangements « Faut absolument que je le fasse maintenant » et trois faux départs « Attends, j’ai oublié un truc à bord », il pose enfin pied à terre. Dur de quitter le navire…
Avant d’éteindre la lumière :
Moi : « Alors, tu es content ? »
Laurent : « Bof, j’aurais pu mieux faire… »
Moi : « C’est super, quatrième ! »
Laurent : « J’suis pas content de moi… Pas pris assez de risques ! »
Moi : « Pffffff… Bonne nuit ! »
Arrivée d'Oxymore3 août 2014
La marina grouille de monde : presque tous les bateaux sont arrivés. On s’active sur le pont, les familles mettent la main au rangement, au rinçage, au nettoyage. Belle ambiance de fin de course. Chacun commente sa traversée et les équipages se retrouvent avec plaisir.
Rockall lave son lingeComment résister à cette brochette de gants, mitaines usées par les bouts et les écoutes ? Et le linge sale de Rockall qui sèche en tas sur le ponton !
Tandis qu’au Skipper’s Bar,le staff travaille dur… Le rouge n’est pas que sur les chemises !
Le staffRetour après déjeuner sur les pontons. Laurent s’affaire à bord d’Oxymore et j’observe avec amusement les salopettes suspendues aux haubans, les mocassins-bateau accrochés à un chandelier, les cordages emmêlés, les branchements sauvages…
Rangement sur les pontons
Je convaincs finalement Laurent de m’accompagner pour une promenade sur le cap. Superbe lumière.
Installée à l’abri d’un rocher pour dessiner, je livre un véritable combat contre le vent qui souffle violemment ! La peinture fait ce qu’elle veut, je cours après mes pinceaux qui s’envolent, les pinces à dessin ne suffisent pas pour maintenir mon carnet en place. C’est terrible !
Falaise à Sao Lourenço4 août 2014
Une bonne journée commence toujours par un croquis au port. La séance de réparation de voile fait parfaitement l’affaire !
L’intérêt suscité par mes petits dessins m’étonne toujours… C’est peu de choses, mais rien ne me touche davantage que de voir les personnes tourner les pages du carnet en souriant, en commentant, en se rappelant, en se projetant.
Le carnet de voyage est un magnifique moyen de communication et d’échanges.
Réparation des voilesLassés par « la cantine », nous choisissons de pique-niquer sur une plage de galets en contrebas de pointe Sao Lourenço. Un délicieux moment prolongé par une baignade à l’eau claire.
Je m’arrête au retour pour dessiner une vue plongeante de la marina Quinta do Lorde. L’ensemble comprend une marina privée, un hôtel 5* et des appartements, à quelques kilomètres de Caniçal et de Machico. C’est sympa mais très isolé, et nous tournons vite en rond. Un sujet de plaisanterie entre les équipages.

Marina Quinta do LordeJe redescends tout juste pour assister à l’arrivée d’Artisan, the last one, au bout de 8 jours de courses et un stop en Espagne à l’hôpital pour William Caldwell, blessé mais sans gravité. Ca y est, ils sont enfin tous là…
L'arrivée d'Artisan5 août 2014
Laurent accuse la fatigue de la course et nous traînons toute la journée, entre la piscine d’eau de mer, la piscine à étages et la piscine devant notre chambre. Nous passons également pas mal de temps à discuter avec Valérie, la seule femme solo, avec Jean-Pierre, sa femme Sophie, Dominique, Erwann, Hervé, Patrick, François… On refait la course, on cause gréement, pannes, casses, mécanique et stratégie.
Nous sommes conviés par la direction du Quinta do Lorde à un cocktail de présentation. Un groupe de danse folklorique fait son entrée, le vin de Madère coule à flots et fidèle à mes crayons, je croque l’évènement !
Les danseursCocktailUn ballet de chemises blanches, « Les concurrents », et de chemises rouges, « l’organisation », les enfants qui s’amusent comme des fous, les « femmes de » heureuses d’avoir retrouvé leur mari marin.

6 août 2014

Après quelques déboireAu Pico Ruivos pour louer une voiture, pour finalement nous retrouver sans rien, coincés à Quinta do Lorde Land, Dominique (Groupe 5) propose de faire voiture commune.
Nous voilà partis en direction du Pico do Areeiro. Je demeure décidément insensible aux charmes de Madère, pourtant réputée pour être la perle de l’Atlantique… Dominique prend d’un bon pas le chemin de randonnée tandis que je râle contre le vent, les marcheurs, les escaliers, le vertige, le paysage…

Lézard à MadèreMême les lézards sont suicidaires !

Laurent : « Dis-donc, tu ne serais pas un peu caillou dans la chaussure, toi ? »
Je négocie l’arrêt de la randonnée, et une balade à Funchal via un détour par une petite marche pour débutants paresseux à Balcoes.
Je croque en chemin une tricoteuse de bonnets de laine… Il fait 30 degrés !

La tricoteuse de Balcoes

Chaleur étouffante à Funchal. Pause fraîcheur avec un sorbet à l’ananas dans le vieux quartier aux maisons colorées traversé par les cabines du téléphérique.
Funchal

Dominique nous attend au restaurant du Pico do Areeiro, où nous arrivons après un trajet épique. Quand la voiture refuse littéralement d’avancer en première au milieu d’un raidillon au-dessus d’un ravin, on n’en mène pas large !
Dîner entre JPK.
Au menu :  chansons paillardes, vin rouge et plans sur la comète…
Dîner JPK

7 août 2014
Laurent règle les derniers détails pour l’hivernage d’Oxymore à Madère pendant que je range le frigidaire et décide de mitonner une petite salade de harengs-pommes à l’huile pour finir les restes. En quête d’un oignon, je croise Sophie qui nous invite à déjeuner sur Yemanja, le JPK 38 d’Hervé. Nous partagerons avec Valérie, Jean-Pierre, Sophie, Frédéric (Coco), sa femme, Hervé et les enfants la salade et mille autres bonnes choses. Moi qui avais juré ne plus jamais me laisser embarquer dans une croisière, je suis conquise par ce bateau spacieux et lumineux.
Moi : « Tu vois, si t’achète ça, je pars en croisière avec toi ! »
Laurent : « Sérieux ???? »
Moi : « Ben oui… Y a une vraie cuisine, des vraies cabines, un vrai cockpit… »
Laurent : « Pffff… J’aime trop mon bateau pour changer ! »
Moi (intérieurement) : « Ouf ! »
JPK38

Le banquet de clôture se prépare activement. Les barbecues fument, et les tables se dressent en rouge et blanc. La plupart des bateaux sont à présent au sec sous la piste de l’aéroport, les pontons sont vides. Finie la frénésie des premiers jours. L’heure est à la détente, on pense au retour et même à la deuxième manche. J’ai déjà réservé mon billet d’avion et la location d’un appartement au Marin en Martinique. Les skippers évoquent la difficulté de convoyer le bateau en Cargo. Tout le monde a déjà un peu quitté Madère…
Que la fête commence !
Soirée de clôture

Proclamation du classementProclamation du classement.

Les assiettes et les verres sont pleins, les langues déliées.
Laurent se couche à 4 heures du matin.
Moi, à moitié réveillée : « Non mais t’as vu l’heure ???? »
Laurent (sourire alcoolisé) : « C’est quand même une course super sympa… »
Soirée de clôture

8 août 2014
Pascal nous dépose à l’aéroport.
Nous sommes plusieurs à repartir par le même vol Transavia en direction d’Orly Sud.
Il pleut à Paris.

Merci à tous ceux qui se sont laissés croqués, aux équipages, au staff de la Transquadra.
Et vivement la Martinique !

La Transquadra se dessine… Carnet de course

Laurent sur Oxymore, Transquadra 2014-2015

Laurent sur Oxymore, Transquadra 2014-2015

En rencontrant Laurent, j’ai épousé non seulement un homme adorable mais également sa passion, la voile ! La mer faisait partie du package…
Malade comme un chien et trouillarde en mer, je déteste naviguer, mais je voue une immense admiration pour l’engagement et la ténacité dont a fait preuve Laurent dans sa préparation d’une transatlantique en solitaire, la Transquadra.
Un rêve qu’il murit depuis des années.
Oxymore est enfin arrivé l’été dernier, sorti du chantier de Jean-Pierre Kelbert : un JPK 10.10, magnifique avec sa coque grise et son pont en teck. Rapide, élancé, et minutieusement étudié dans les moindres détails pour la course en solitaire.

Le départ a été donné depuis Saint-Nazaire le 27 juillet à 17h20.
Prochaine étape : Madère !
En tenant un journal de bord en dessin des 3 ultimes jours de préparation, j’ai voulu rendre hommage à ces hommes et femmes engagés, passionnés et passionnants. Skippers, staff, familles… Vous êtes tous formidables !

 24 juillet 2014
J-3
Arrivée à Saint-Nazaire après un détour par la pharmacie de Bubu à Rennes pour récupérer la trousse à pharmacie obligatoire en mer : Laurent devrait pouvoir survivre à tout ! Du kit de réparation dentaire à l’IV d’adrénaline, en passant par le nécessaire à suture et la morphine, tout y est.

A quai, bassin de Saint-Nazaire

A quai, bassin de Saint-Nazaire quai Est, Laurent à l’oeuvre sur Oxymore.

Sous un soleil de plomb, temps à l’orage, Laurent accroche son cagnard : numéro douze.
C’est l’effervescence… Premiers coups de tonnerre.

Installation de Jeppe Heim

Installation de Jeppe Heim

Pendant que certains triment sous la pluie, je file m’abriter dans la base de sous-marins et tombe nez à nez avec Distance, une installation monumentale de Jeppe Heim, qui fait la joie des enfants : des boules blanches s’élancent dans une gigantesque structure métallique évoquant une attraction délirante de fête foraine superbement intégrée dans  cet espace laissé brut de décoffrage.

Le bassin de Saint-Nazaire

Le bassin de Saint-Nazaire.

Aquarelle du soir depuis le pont-levant. Belle lumière. Fascinée par cette forêt de mats tintinnabulant et pavoisés aux couleurs de la transquadra.
Moi à Laurent : « Alors ? »
Laurent : « J’suis pas dedans. »
Moi : « Pourquoi ? »
Laurent : « Ils font des tas de trucs à bord, moi j’ai l’impression que c’est OK. C’est pas normal. »
Moi : « Arrête… Bonne nuit ! »

25 juillet 2014
J-2

Cabane de pêcheur

Cabane de pêcheur

Cabane de pêcheur

Cabane de pêcheur

Je découvre le bord de mer à Saint-Nazaire, et les ravissantes cabanes de pêcheurs qui donnent à la plage un charme fou. Impossible de résister à la tentation d’un dessin. Marée basse, vase luisante, rares joggers. Délicieux moment.

Sur la plage

Sur la plage

 

Pêcheur rangeant ses filets

Pêcheur rangeant ses filets

J’arrive enfin sur le ponton pour soutenir moralement Laurent et découvre ce pêcheur à l’ouvrage. Hop, Laurent partira tout seul à la pompe remplir son bidon d’essence : moi, je croque en brûlant au soleil !

 

A quai

A quai

Je m’installe en fin d’après-midi de l’autre côté du bassin et croque le quai d’amarrage d’Oxymore depuis la base sous-marine. Les promeneurs s’arrêtent, intrigués. J’adore ces échanges impromptus où chacun raconte un peu sa vie, l’air de rien…
Le bassin de Saint-Nazaire n’est pas une marina ! Il y règne une atmosphère de chantier, de travail, de pêche… C’est à la fois décalé et très authentique.

 

Plombage du moteur

Plombage du moteur

Et si jamais le solitaire à l’arrêt dans la pétole succombait à un coup de cafard gigantesque au point de démarrer le moteur…

Soirée de présentation des équipages

Soirée de présentation des équipages

Conversation glanée entre Laurent et un skipper à la soirée de présentation des équipages. Le spleen du concurrent avant le départ…

Présentation des équipages

Présentation des équipages

Soirée de présentation des équipages

Soirée de présentation des équipages

Yolaine de La Bigne appelle les skippers un par un : Pour Aster, Oxymore, Chasseur de prime, Vent d’Ox, Clair de lhune, Détours du monde, Equateur II, Les pompons, Raging Bee, Jokari, Zinzolin, Papillon 3, Philia, Laminak… A travers cette énumération digne d’un inventaire à la Prévert, on entend un petit morceau de vie, on reconnait le prénom des enfants, un rêve, un parcours. C’est un défilé de chemises blanches siglées Transquadra qui se mélangent aux chemises rouges des organisateurs.
Le buffet est ouvert ! La fête commence avec les Gabiers d’Artimon au grand complet, en marinière.

Les Gabiers d'Artimon

Les Gabiers d’Artimon

Gabier d'Artimon

Un Gabier d’Artimon solitaire croqué à son insu…

26 juillet 2014
J-1

Holly Totsy Gang

Holly Totsy Gang

Village de la Transquadra : un air de jazz endiablé résonne sur le quai. Le soleil tape fort et mon stylo danse tout seul. On m’apporte une chaise, une part de far breton aux pruneaux et je dessine au rythme de la musique ! L’esprit de la Transquadra : sympathie et bonne humeur ! Je culpabilise légèrement de laisser Laurent faire son avitaillement tout seul. Quoique ! Valérie, la seule femme solitaire de l’épreuve se dévoue pour l’accompagner.

Valérie Antonini

Valérie Antonini

Qu’à cela ne tienne, au diable Carrefour Market et la queue du samedi à la caisse, je préfère largement enchaîner les croquis munie d’un verre de ti punch puisque c’est la journée « Martinique ». L’Office du Tourisme de Marin  s’est démené pour un apéro-dégustation antillais du tonnerre ! D’un seul coup, j’ai subitement hâte d’être à l’arrivée de la deuxième étape en Martinique…

Le pot de l'Office du tourisme du Marin, Martinique

Le pot de l’Office du tourisme du Marin (Martinique)

Je rejoins Rémi, l’ami fidèle de Laurent et préparateur-bricoleur-équipier de génie. Mission du jour : fixer des scotchs phosphorescents sur la grand-voile pour des réglages nocturnes ultra-précis. Toujours sous l’emprise du rhum, je tente un dessin rapide du village de la Transquadra.

Village de la Transquadra

Village de la Transquadra

Rémi : « Te connaissant, je suis sûr que tu adores Saint-Nazaire ! »
Moi : « Pourquoi tu dis ça? »
Rémi : « Ben, il paraît que tu aimes les ambiances industrielles, les ports de commerce et les usines ! »
Moi : « C’est vrai que j’adore dessiner les raffineries de pétrole de Fos-sur-Mer, les grues et les pylones électriques… »
Rémi : « T’as qu’à faire un tour cet après-midi sur le chantier du bateau militaire russe en livraison, ça devrait te plaire ! »
Il ne fallait pas me le dire deux fois…

Chantier de Saint-Nazaire

Chantier de Saint-Nazaire

Smolnyi 210

Smolnyi 210

Après m’être faufilée ni vu ni connu dans un endroit marqué en grosses lettres rouges « Interdit au public », je déniche un beau point de vue sur le Smolnyi 210, bateau école de la flotte russe qui sert d’hôtel flottant pour l’équipage venu prendre possession du navire tout juste achevé par les chantiers de Saint-Nazaire.
Rémi avait raison : je plane…

Le Pont de Saint-Nazaire

Le Pont de Saint-Nazaire

La silhouette du Pont de Saint-Nazaire traverse le ciel. Le soir décline doucement. On prépare à côté la soirée des 20 ans de la Transquadra. Des bribes de conversation me parviennent aux oreilles : « Et toi, tu règles comment dans la brise… T’as un spi asy… gênois ou solent ? » La pression monte, les angoisses de dernière minute…

Les 20 ans de la Transquadra

Les 20 ans de la Transquadra

Moi : « Ca va ? »
Laurent : « J’ai une boule… là. »
Moi : « Je t’aime, j’ai confiance en toi, tu y arriveras haut la main. Bonne nuit. »

27 juillet 2014
Jour J
Nuit difficile, peu dormi.
On prépare nos sacs en silence. Laurent quitte la chambre d’hôtes avant nous pour un dernier briefing de l’organisation.
Je m’installe pendant ce temps à une terrasse avec Eugénie qui stresse pour son papa et me détend en croquant les tronches locales. Tranches de vie.

Au café le Disque Bleu

Au café le Disque Bleu

Au café le Disque Bleu

Au café le Disque Bleu

Nous nous promenons toutes les deux à travers la base de sous-marins, puis sur la terrasse panoramique pour observer l’étonnante oeuvre de Felice Varini, Suite de triangles, avec le bon point de vue. Une belle manière d’illustrer la notion de projection et de perspective… Pas moyen de faire un croquis puisque nous n’avons que le temps de déjeuner en vitesse avant la sortie des bateaux par le sas sud et le passage de l’écluse.

Suite de triangles, Varini

Suite de triangles, Varini

Derniers adieux sur le ponton. Je verse une larme à l’abri de mes lunettes de soleil. Laurent a le sourire. Crispé, tout de même… Amarres larguées, petits instants de panique quand deux bateaux se mettent en vrac en menaçant Oxymore. Ca y est, le pont se lève et les bateaux se dirigent à couple vers le sas au son des binious et cornemuses du groupe Bagad de Saint-Nazaire. Le public applaudit, l’émotion est tangible. Je me précipite au-dessus de l’écluse pour croquer à toute vitesse cet instant.

Entrée des bateaux dans l'écluse

Entrée des bateaux dans l’écluse

Dans l'écluse

Dans l’écluse

Le bateaux restent dans le sas, le temps que l’eau se mette à niveau, puis s’élancent à l’ouverture des portes dans la mer en direction de la ligne de départ, juste avant le Pont de Saint-Nazaire.

Sortie de l'écluse

Sortie de l’écluse

Il commence à pleuvoir, le ciel est gris comme la coque d’Oxymore. Un bon présage.
Eugénie et moi courrons nous installer sur la jetée aux premières loges pour regarder les bateaux se mettre en ligne. Je dessine frénétiquement, sans penser aux gouttes de pluie qui tachent mon dessin. Croquis sur le vif !

Vers la ligne de départ

Vers la ligne de départ

C’est parti ! Oxymore semble bien placé. Nous longeons en voiture le bord de mer pour regarder les bateaux filer vers le large. Oxymore remonte ses concurrents, il est en tête et remporte l’oeuvre de Nicolas Silberg attribuée au solo passant le premier la pointe de Chemoulin.

Oxymore prend la tête !

Oxymore prend la tête !

Bon vent à tous les concurrents. La suite à Madère…

Un grand merci à Laurence et Rémi Guimard pour leur accueil et leur gentillesse : chambre d’hôte Chrisocéan, Saint-Nazaire. http://www.chambrehotes-chrisocean.fr/
Mention spéciale pour le spa à disposition…
Pour suivre la Transquadra en direct, c’est par

Carnet de voyage au Ladakh août 2013 – Le moine de Skyurbuchan – Delphine Priollaud-Stoclet

Carnet de voyage au Ladakh, 2-18 août 2013.
#Extraits
11 août 2013

Promenade jusqu’au monastère surplombant le village de Skyurbuchan. Nous gravissons une succession de ruelles dessinées à flanc de paroi, ponctuées d’une multitude de moulins à prières tintinnabulants. Musique aigrelette dispersant aux quatre coins du monde nos rêves et espérances.
Au loin, l’orage gronde. La montagne rugit.

Les moulins à prières - Skyurbuchan - Ladakh

Les moulins à prières – Skyurbuchan – Ladakh
Gouache, Delphine Priollaud-Stoclet (c)

Je m’arrête quelques minutes pour dessiner le bazar de ruelles qui prolifèrent entre les tas de pierres éparses et les habitations. Ici, la rue n’est que le vide laissé entre deux maisons : la notion de circulation n’existe pas ! Esthétique du labyrinthe et de l’imbrication.
Un jeune peintre tibétain qui restaure les fresques du monastère s’arrête pour regarder mon carnet. Nous parlons peinture et démarches artistiques, là, dans ce petit village du bout du monde, observés par un chien errant à la mine patibulaire.

Le village de Skyurbuchan

Le village de Skyurbuchan – Ladakh
Encre et gouache, Delphine Priollaud-Stoclet (c)

Vu du monastère, le village ressemble à un puzzle de terrasses entrelacées et pavoisées. Les drapeaux multicolores vibrent comme des centaines de flammes allumées pour disperser la parole de Bouddha.
Les prières s’écrivent sur le ciel et parlent au vent.

Skyurbuchan

Skyurbuchan

Un moine au regard malicieux pose en souriant. Il aime les chats, c’est bon signe !

Le moine de Skyurbuchan

Le moine de Skyurbuchan
Gouache, Delphine Priollaud-Stoclet (c)

Une pochade à la gouache en guise de souvenir. Lumière claire, l’air est frais.
Quand je lui montre son portrait, celui-ci s’envole : faut-il y voir un signe ? Je ne me résous pas à laisser là mon dessin, sans doute trop attachée aux choses matérielles… Je me précipite dans les escaliers, au hasard, cherchant cette toute petite feuille rouge parmi un dédale de marches… Un jeune moine me hèle, puis brandit mon dessin avant de le suspendre à une guirlande de drapeaux. Il joint les mains, murmure une prière et l’image du moine devient sacrée.
J’ai les larmes aux yeux.

Paris se met au vert ! Carnet de voyage à Paris

J’ai arpenté la semaine dernière un Paris secret et fleuri, faisant le pari d’y découvrir des pépites verdoyantes, à mille lieux des embouteillages et de la foule.
J’emmenais dans mon sillage 9 stagiaires motivés pour découvrir Paris autrement, crayons et aquarelles bien en main… De la Gare de Lyon à Saint-Germain des Prés et de Montmartre à la Butte aux Cailles, Paris nous a bel et bien enchantés !

La rue Crémieux pavoise avec ses jolies petites maisons de toutes les couleurs : un bijou de petite rue, serti de bruit et de gris, enchâssé entre la la Gare d’Austerlitz et la Gare de Lyon. Un chat se prélasse dans une flaque de soleil, un monsieur lit le journal à l’ombre des bambous et du chèvrefeuille…

Rue Crémieux, Paris 12

Rue Crémieux, Paris 12ème, Gouache, Delphine Priollaud-Stoclet

Je découvre avec ravissement en me promenant dans le passage de la cour du Commerce Saint-André, bien dissimulée derrière un porche, la sublime Cour de Rohan qui abrita autrefois l’Atelier du peintre Balthus. Il est 19h30, pas un bruit. Juste le frémissement de l’air dans les feuillages aux mille et une nuances de verts.

Cour de Rohan, Paris 6

A l’ombre de la glycine, Cour de Rohan. A deux pas du Procope. Gouache, Delphine Priollaud-Stoclet

Je grimpe toujours avec plaisir au sommet de la Butte aux Cailles, ce pittoresque village parisien bien plus authentique que Montmartre. Le temps d’un café, je croque à l’intersection de la rue de la Butte aux cailles et de la rue des Cinq Diamants, inspirée par les graffs de MissTic et la délicieuse atmosphère de quartier qui règne.

Rue de la Butte aux Caille, Paris 13

A l’angle de la rue de la Butte aux Cailles et de la rue des Cinq Diamants. Gouache, Delphine Priollaud-Stoclet

I ♥ New-York – 10 novembre 2012

Au programme de la journée : visite du Museum d’Histoire Naturelle, puis promenade dans Little Italy et China Town et sunset sur Manhattan depuis Brooklyn.
Mais avant, je tiens absolument à dessiner une vue du Chrysler Building, ce gratte-ciel Art Déco à la pointe spectaculaire, depuis la 42th Street.
Je m’installe par terre et déballe mes gouaches sous l’oeil réprobateur de Claudia : « On va te prendre pour une clocharde ! Et puis c’est dégoutant par terre… » Et alors ? Bon, elle n’a pas tout à fait tort…
La lumière du matin est voilée, et le Chrysler joue à cache-cache avec la brume.

Le Chrysler Building

Le Chrysler Building. Gouache.

Oups… J’ai oublié de changer la date sur le tampon dateur.

Nous nous rendons ensuite au Museum d’Histoire Naturelle pour assister au spectacle sur la naissance des étoiles dans le planétarium. Bof… C’est bien parce que c’était inclus dans notre City Pass.
Puis direction Little Italy, qui n’a plus grand chose d’italien… Le quartier se laisse grignoter peu à peu par China Town, beaucoup moins pittoresque de jour que de nuit.
Nous accusons toutes les deux un vrai coup de fatigue… Mon sac pèse trois tonnes et je rêve de m’assoir à table. Nous optons, faute de mieux, pour une pizzeria à touristes. Je m’offre un petit verre de vin rouge italien, pas mauvais du tout…
Retour à Soho, Claudia voulant s’offrir une dernière séance de lèche-vitrine. A défaut de chaussures, je lui offre un délicieux cupcake aux trois chocolats tout en buvant un capuccino King Size dans un affreux gobelet en carton.

Nous nous déplaçons uniquement en métro : c’est le seul endroit où je suis capable de m’orienter facilement… J’en profite toujours pour croquer rapidement mes voisins de ligne. La meilleure façon d’avoir une galerie de portraits des « vrais gens ».

De lignes en lignes

De lignes en lignes. Encre et Aquarelle.

J’emmène Claudia à Brooklyn pour lui montrer une vue imprenable sur Manhattan depuis la Brooklyn Heights. Bien sûr, nous nous perdons et enchaînons les tours en rond… Claudia traîne des pieds et ronchonne. Finalement, après quelques détours, nous y sommes : la vue, sublime comme au cinéma, avec le pont de Brooklyn en arrière-plan, est magnifiée par la lumière du soleil couchant. Une aquarelle s’impose. Aïe ! Claudia va mordre…

Brooklyn Heights

Brooklyn Heights. Aquarelle.

Impossible de quitter NYC sans dîner dans un authentique Déli.
Mon choix se porte sur le Katz’s Deli, là où Harry rencontra Sally… Pour ma part, nous n’avons rencontré qu’un menu hors de prix et des plats inodores et sans saveurs.
Nous rentrons nous coucher, dépitées, et tristes de penser que demain sera notre dernière matinée à New-York.

I ♥ New-York – 9 novembre 2012

Je me réveille à 5 heures du matin, pour vérifier si le traitement dispensé la veille aux Ugg a bien agi : avant même de boire mon premier café, la paupière lourde, me voilà en train de brosser doucement les bottes dans le sens du poil, de les lustrer avec une gomme spéciale, de les caresser délicatement pour les faire briller… Heureusement que personne ne me voit !
Et miracle ! Elles reprennent du poil de la bête, se radoucissent et retrouvent leur bel aspect duveteux et soyeux. Ouf…
Après avoir vérifié trois fois la météo et constater qu’il ne neigera ni ne pleuvra aujourd’hui, Claudia chausse enfin les Ugg ressuscitées.

Il fait un temps magnifique, idéal pour monter au sommet de l’Empire Building et profiter d’une vision à 360 degrés de Manhattan. Il règne un vent glacial, mais la vue est à couper le souffle.

Depuis l'Empire State Building

Depuis l’Empire State Building

Je montre ensuite à Claudia le Flat Iron Building, un de mes buildings new-yorkais préféré. Nous le dessinons, légèrement à contre-jour, installées au milieu d’un petit marché provençal qui fleure bon la lavande. C’est délicieusement décalé !

Le Flat Iron Building

Le Flat Iron Building. Encre de Chine.

J’emmène Claudia déjeuner à l’Empire Diner après une petite balade dans le quartier de Chelsea. L’Empire Diner est un restaurant typique très sympa : nous sommes attablées dans un véritable wagon, et servies par de charmantes hôtesses très sexy. Les frites sont délicieuses…

L'Empire Diner, Chelsea

L’Empire Diner, Chelsea. Encre de Chine.

Nous découvrons ensuite la High Line, toujours à Chelsea : un parc urbain suspendu  aménagé sur une portion désaffectée des anciennes voies ferrées aériennes du Lower West Side. Une promenade bien agréable au soleil qui nous permet de croiser des mannequins en petites robes d’été, une installation contemporaines et des vues sur l’Empire State building à travers les arbustes recouverts de givre.
Le dessin ci-dessous montre Claudia, assise sur le banc, en train de dessiner. Remarquez les Ugg…

La High Line, Chelsea

La High Line, Chelsea. Encre de Chine.

Je décide de retourner au MOMA (nous l’avions visité au pas de course une heure avant la fermeture la veille). Claudia s’insurge, mais j’insiste !
Sur le chemin, je tombe en arrêt devant cette vue du Radio City Hall au soleil couchant…

Le Radio City Hall, New-York

Le Radio City Hall, New-York. Encre et aquarelle.

En sortant du MOMA, nous nous rendons sur Canal Street dans une boutique de matériel Beaux-Arts sur 5 étages. A mon tour de frétiller… Je suis très raisonnable : j’achète uniquement un petit flacon de colle et quelques rouleaux de scotch de masquage très fin (introuvable en France). Nous arpentons ensuite Chinatown de nuit avec l’impression d’avoir quitté New-York pour Bangkok…
Nous choisissons de manger chinois au 69, situé 69 Bayard Street, en plein Chinatown. Ce restaurant est entièrement tapissé de billets de 1 $. Etonnant !
En tout cas, les portions sont généreuses et l’ambiance au rendez-vous.

Le 69

Le 69. Encre de Chine.

I ♥ New-York – 6 novembre 2012

Ça y est : grand ciel bleu et Obama réélu. Une belle journée s’annonce… La veille, j’avais tout de même réussi à traîner Claudia sur l’esplanade du Rockfeller Center pour humer l’ambiance électorale. Pas de dessin (il faisait nuit, je n’avais pas dormi depuis 24 heures, mes doigts gelés ne se prêtaient pas au maniement du pinceau et Claudia m’aurait de toute les façons étripée après m’avoir fait manger mes aquarelles), mais une petite photo s’imposait pour immortaliser ce mo(nu)ment historique.

Elections-rockfeller-center

Democracy Plaza, au Rockfeller Center. Veille d’élections aux Etats-Unis.

Claudia présente un intérêt pathologique pour les chaussures… Elle ne pouvait pas envisager une minute l’idée de découvrir New-York sans visiter les boutiques UGG. Vous connaissez ces bottes australiennes en peau de mouton retourné qui ressemblent à des chaussons pour mammouths… Bref, j’ai négocié la visite du Metropolitan Museum of Art contre un rallye UGG ! Bilan des courses : des bottines couleur Navy (il a fallu faire 2 magasins pour trouver précisément ce modèle) à se trimballer dans leur immense boite une bonne partie de la journée !

Les Ugg de Claudia

Les Ugg de Claudia. Encre et aquarelle.

Mais avant cela, impossible de déroger à la tradition du brunch à Greenwich Village. Je repère un endroit avec point de vue sympa à croquer bien au chaud derrière la vitrine, et nous voilà installées au Snack Taverna, face au 64 Bedford Street. Claudia s’applique aussi à dessiner la pittoresque laverie qui nous fait de l’œil. Tout y est : le vélo, les écureuils, les briques rouges et les escaliers de fer grimpant le long de la façade en déroulant leurs volutes belles comme des fleurs de métal.

A Greenwich Village, New-York

A Greenwich Village. Encre et aquarelle.

Nous faisons chou blanc au Store Ugg, 160 Colombus Avenue. On se rabat sur une annexe du célèbre magasin de dégriffés Century où je craque pour un magnifique jean Guess rouge vermillon…
On décide de s’acheter une pita avec des falafels auprès d’un camion ambulant pour pique-niquer au soleil dans Central Parc. Claudia joue avec les écureuils (précision : l’écureuil n’aime pas la farine de pois chiches) tandis que je dessine le skyline en sirotant un thé vert brûlant dans son gobelet en carton.

A Central Parc, New-York

A Central Parc, New-York. Encre et aquarelle.

Petit écureuil gris à Central Parc

Petit écureuil gris à Central Parc

Nous traversons le parc vers l’est, et remontons sur la Cinquième Avenue, direction le MET. Je redécouvre des Monet, Degas, Toulouse-Lautrec etc. avec une immense satisfaction visuelle, tout en expliquant à ma fille boudeuse qu’il est impossible de détester les musées : comment ne pas être émerveillée  ? Je tente une sorte de comparaison pédagogique hasardeuse avec le plaisir jouissif qu’elle éprouve devant la vitrine des magasins… Bof, elle ne semble pas convaincue.
Nous quittons le MET pour Soho, 79 Mercer Street, où se trouve un autre magasin UGG (vous savez, les fameuses bottines Navy…). Claudia frétille de stress et d’impatience : et si jamais ils ne les avaient plus ???? Miracle : nous achetons la dernière paire en stock.
Dîner dans un self asiatique improbable avant de reprendre le métro, chargées comme des mulets et mortes de fatigue, vers notre lit king size du Vetiver Hotel.
La suite demain.