En rencontrant Laurent, j’ai épousé non seulement un homme adorable mais également sa passion, la voile ! La mer faisait partie du package…
Malade comme un chien et trouillarde en mer, je déteste naviguer, mais je voue une immense admiration pour l’engagement et la ténacité dont a fait preuve Laurent dans sa préparation d’une transatlantique en solitaire, la Transquadra.
Un rêve qu’il murit depuis des années.
Oxymore est enfin arrivé l’été dernier, sorti du chantier de Jean-Pierre Kelbert : un JPK 10.10, magnifique avec sa coque grise et son pont en teck. Rapide, élancé, et minutieusement étudié dans les moindres détails pour la course en solitaire.
Le départ a été donné depuis Saint-Nazaire le 27 juillet à 17h20.
Prochaine étape : Madère !
En tenant un journal de bord en dessin des 3 ultimes jours de préparation, j’ai voulu rendre hommage à ces hommes et femmes engagés, passionnés et passionnants. Skippers, staff, familles… Vous êtes tous formidables !
24 juillet 2014
J-3
Arrivée à Saint-Nazaire après un détour par la pharmacie de Bubu à Rennes pour récupérer la trousse à pharmacie obligatoire en mer : Laurent devrait pouvoir survivre à tout ! Du kit de réparation dentaire à l’IV d’adrénaline, en passant par le nécessaire à suture et la morphine, tout y est.
Sous un soleil de plomb, temps à l’orage, Laurent accroche son cagnard : numéro douze.
C’est l’effervescence… Premiers coups de tonnerre.
Pendant que certains triment sous la pluie, je file m’abriter dans la base de sous-marins et tombe nez à nez avec Distance, une installation monumentale de Jeppe Heim, qui fait la joie des enfants : des boules blanches s’élancent dans une gigantesque structure métallique évoquant une attraction délirante de fête foraine superbement intégrée dans cet espace laissé brut de décoffrage.
Aquarelle du soir depuis le pont-levant. Belle lumière. Fascinée par cette forêt de mats tintinnabulant et pavoisés aux couleurs de la transquadra.
Moi à Laurent : « Alors ? »
Laurent : « J’suis pas dedans. »
Moi : « Pourquoi ? »
Laurent : « Ils font des tas de trucs à bord, moi j’ai l’impression que c’est OK. C’est pas normal. »
Moi : « Arrête… Bonne nuit ! »
25 juillet 2014
J-2
Je découvre le bord de mer à Saint-Nazaire, et les ravissantes cabanes de pêcheurs qui donnent à la plage un charme fou. Impossible de résister à la tentation d’un dessin. Marée basse, vase luisante, rares joggers. Délicieux moment.
J’arrive enfin sur le ponton pour soutenir moralement Laurent et découvre ce pêcheur à l’ouvrage. Hop, Laurent partira tout seul à la pompe remplir son bidon d’essence : moi, je croque en brûlant au soleil !
Je m’installe en fin d’après-midi de l’autre côté du bassin et croque le quai d’amarrage d’Oxymore depuis la base sous-marine. Les promeneurs s’arrêtent, intrigués. J’adore ces échanges impromptus où chacun raconte un peu sa vie, l’air de rien…
Le bassin de Saint-Nazaire n’est pas une marina ! Il y règne une atmosphère de chantier, de travail, de pêche… C’est à la fois décalé et très authentique.
Et si jamais le solitaire à l’arrêt dans la pétole succombait à un coup de cafard gigantesque au point de démarrer le moteur…
Conversation glanée entre Laurent et un skipper à la soirée de présentation des équipages. Le spleen du concurrent avant le départ…
Yolaine de La Bigne appelle les skippers un par un : Pour Aster, Oxymore, Chasseur de prime, Vent d’Ox, Clair de lhune, Détours du monde, Equateur II, Les pompons, Raging Bee, Jokari, Zinzolin, Papillon 3, Philia, Laminak… A travers cette énumération digne d’un inventaire à la Prévert, on entend un petit morceau de vie, on reconnait le prénom des enfants, un rêve, un parcours. C’est un défilé de chemises blanches siglées Transquadra qui se mélangent aux chemises rouges des organisateurs.
Le buffet est ouvert ! La fête commence avec les Gabiers d’Artimon au grand complet, en marinière.
26 juillet 2014
J-1
Village de la Transquadra : un air de jazz endiablé résonne sur le quai. Le soleil tape fort et mon stylo danse tout seul. On m’apporte une chaise, une part de far breton aux pruneaux et je dessine au rythme de la musique ! L’esprit de la Transquadra : sympathie et bonne humeur ! Je culpabilise légèrement de laisser Laurent faire son avitaillement tout seul. Quoique ! Valérie, la seule femme solitaire de l’épreuve se dévoue pour l’accompagner.
Qu’à cela ne tienne, au diable Carrefour Market et la queue du samedi à la caisse, je préfère largement enchaîner les croquis munie d’un verre de ti punch puisque c’est la journée « Martinique ». L’Office du Tourisme de Marin s’est démené pour un apéro-dégustation antillais du tonnerre ! D’un seul coup, j’ai subitement hâte d’être à l’arrivée de la deuxième étape en Martinique…
Je rejoins Rémi, l’ami fidèle de Laurent et préparateur-bricoleur-équipier de génie. Mission du jour : fixer des scotchs phosphorescents sur la grand-voile pour des réglages nocturnes ultra-précis. Toujours sous l’emprise du rhum, je tente un dessin rapide du village de la Transquadra.
Rémi : « Te connaissant, je suis sûr que tu adores Saint-Nazaire ! »
Moi : « Pourquoi tu dis ça? »
Rémi : « Ben, il paraît que tu aimes les ambiances industrielles, les ports de commerce et les usines ! »
Moi : « C’est vrai que j’adore dessiner les raffineries de pétrole de Fos-sur-Mer, les grues et les pylones électriques… »
Rémi : « T’as qu’à faire un tour cet après-midi sur le chantier du bateau militaire russe en livraison, ça devrait te plaire ! »
Il ne fallait pas me le dire deux fois…
Après m’être faufilée ni vu ni connu dans un endroit marqué en grosses lettres rouges « Interdit au public », je déniche un beau point de vue sur le Smolnyi 210, bateau école de la flotte russe qui sert d’hôtel flottant pour l’équipage venu prendre possession du navire tout juste achevé par les chantiers de Saint-Nazaire.
Rémi avait raison : je plane…
La silhouette du Pont de Saint-Nazaire traverse le ciel. Le soir décline doucement. On prépare à côté la soirée des 20 ans de la Transquadra. Des bribes de conversation me parviennent aux oreilles : « Et toi, tu règles comment dans la brise… T’as un spi asy… gênois ou solent ? » La pression monte, les angoisses de dernière minute…
Moi : « Ca va ? »
Laurent : « J’ai une boule… là. »
Moi : « Je t’aime, j’ai confiance en toi, tu y arriveras haut la main. Bonne nuit. »
27 juillet 2014
Jour J
Nuit difficile, peu dormi.
On prépare nos sacs en silence. Laurent quitte la chambre d’hôtes avant nous pour un dernier briefing de l’organisation.
Je m’installe pendant ce temps à une terrasse avec Eugénie qui stresse pour son papa et me détend en croquant les tronches locales. Tranches de vie.
Nous nous promenons toutes les deux à travers la base de sous-marins, puis sur la terrasse panoramique pour observer l’étonnante oeuvre de Felice Varini, Suite de triangles, avec le bon point de vue. Une belle manière d’illustrer la notion de projection et de perspective… Pas moyen de faire un croquis puisque nous n’avons que le temps de déjeuner en vitesse avant la sortie des bateaux par le sas sud et le passage de l’écluse.
Derniers adieux sur le ponton. Je verse une larme à l’abri de mes lunettes de soleil. Laurent a le sourire. Crispé, tout de même… Amarres larguées, petits instants de panique quand deux bateaux se mettent en vrac en menaçant Oxymore. Ca y est, le pont se lève et les bateaux se dirigent à couple vers le sas au son des binious et cornemuses du groupe Bagad de Saint-Nazaire. Le public applaudit, l’émotion est tangible. Je me précipite au-dessus de l’écluse pour croquer à toute vitesse cet instant.
Le bateaux restent dans le sas, le temps que l’eau se mette à niveau, puis s’élancent à l’ouverture des portes dans la mer en direction de la ligne de départ, juste avant le Pont de Saint-Nazaire.
Il commence à pleuvoir, le ciel est gris comme la coque d’Oxymore. Un bon présage.
Eugénie et moi courrons nous installer sur la jetée aux premières loges pour regarder les bateaux se mettre en ligne. Je dessine frénétiquement, sans penser aux gouttes de pluie qui tachent mon dessin. Croquis sur le vif !
C’est parti ! Oxymore semble bien placé. Nous longeons en voiture le bord de mer pour regarder les bateaux filer vers le large. Oxymore remonte ses concurrents, il est en tête et remporte l’oeuvre de Nicolas Silberg attribuée au solo passant le premier la pointe de Chemoulin.
Bon vent à tous les concurrents. La suite à Madère…
Un grand merci à Laurence et Rémi Guimard pour leur accueil et leur gentillesse : chambre d’hôte Chrisocéan, Saint-Nazaire. http://www.chambrehotes-chrisocean.fr/
Mention spéciale pour le spa à disposition…
Pour suivre la Transquadra en direct, c’est par là
Super ! J’adore ton reportage sur les préparatifs de Laurent et l’ambiance de l’approche du départ. Contente aussi que tu apprécie St Nazaire. C’est une drôle de ville. Il s’en dégage quelque chose d’un peu étrange.
Bon vent à Laurent et donne nous de ses nouvelles de temps en temps.
Bises
Fabienne
Très jolis dessins et belle histoire. Des mots et des couleurs dessus pour raconter quelques jours dans notre ville, je reçoit ce carnet de voyage comme un hommage à notre lieu de vie. Merci pour cette belle rencontre. Nous suivons nous aussi la progression de Laurent, ce midi il était en quatrième position…belle remontée ce soir. Laurence et Remy
Bravo à tous les dux, SUPER !
C’est avec grand plaisir que je découvre ton carnet de croquis de la course.
Félicitations….
Marine (femme de Jean Luc sur Quattro Assurances)
Merci Marine ! Au plaisir de vous retrouver tous les deux au Marin…
Je découvre le site et les croquis…Quelle belle surprise !
Je n’avais pas osé déranger Delphine lorsqu’elle croquait sur le vif à St Nazaire et à Quinta do Lorde
Amitiés à vous deux et à bientot ( 0 Madère ou au Marin )
Philippe ( Pogo 30 MATMUT )
Merci Philippe,
J’ai adoré saisir l’atmosphère de ces départs et retours de course à la pointe de mes crayons ! A très vite en Martinique…