#2 Transquadra, Madère – Martinique, Carnet de voyage

8 février 2015

Marina du Marin

Marina du Marin, Carnet de voyage Transquadra, Delphine Priollaud-Stoclet

Réveillée par le bruit de la pluie battante contre les volets, j’émerge à 4h30 du matin. Les joies du jetlag…
Malgré la nuit encore bien noire, il n’est pas difficile de comprendre qu’il fait un temps épouvantable.
Le jour se lève d’un coup, dévoilant un ciel plombé. Il pleut à torrents et un brouillard gris floute les contours de la marina.
Mon premier dessin martiniquais sera donc en noir et blanc.
Je tente une expédition au marché du Marin, escomptant une éclaircie miraculeuse. Peine perdue, j’arrive trempée et mes tongs font flic-flac. Mais bien vite, le charme des étals débordants de fruits appétissants aux couleurs chatoyantes et la faconde des marchandes me réchauffe comme un coup de soleil.

Le marché du Marin

Le marché du Marin, gouache et encre.

« Ah ben vous êtes encore là ! »
Je sursaute en reconnaissant mon voisin de siège dans l’avion.
Je tente un « Tiens, vous aussi vous êtes de la Transquadra ? » avec un petit sourire entendu. Il me dévisage, interloqué, comme si je lui avais demandé s’il faisait partie d’une secte : « heu non, on s’apprête juste à partir en croisière entre amis… » Je plonge le nez dans mon dessin en bafouillant : « Ben, bonnes vacances alors !  »
Direction la Marina pour repérer le QG de la Transquadra. J’erre comme une malheureuse toute dégoulinante de pluie à travers les boutiques à touristes, les shipchandlers et les loueurs de catamarans de croisière en essayant de me repérer. Croisant le chemin de deux équipiers de la Transquadra fraîchement arrivés, nous discutons 5 minutes tout en cherchant le bureau de course.
_ Félicitations ! Vous êtes arrivés quand ?
_ Dans la nuit…
Je suis stupéfaite de leur trouver l’air si détendu après 15 jours de course. Moi qui suis défaite au bout de 8 heures de vol passées à lire, manger, dessiner et regarder des films…
_ Alors, tout s’est bien passé ?
_ Super, à part les sargasses qui nous ont pourris. (Une ombre passe dans leur regard soudain plein d’une haine féroce… Vous croyez que j’exagère ?)
_ Ah oui, Laurent m’a demandé de lui expédier des millions de tonnes d’acide sulfurique pour en venir à bout.
_ Nous, on a pensé au napalm !
Au PC course, un rouge me confirme l’arrivée de Laurent prévue dans la soirée, vers 20h30. J’ai tellement hâte de le serrer dans mes bras.
« Bon, vous avez toute la journée pour vous en l’attendant, profitez-en !  »
Il s’est enfin arrêté de pleuvoir.
Je déambule sur le ponton 5 où s’alignent les les premiers arrivés, dont Pierrick Penven sur Zéphyrin, radieux vainqueur des solitaires toutes catégorie.

Pierrick Penven sur Zéphyrin

Pierrick Penven sur Zéphyrin, Encre et aquarelle

Puis je m’attaque à Marylou, juste à côté.
De plus en plus menaçants, les nuages s’accumulent à nouveau et le ciel noircit. Çà y est, les premières gouttes tombent drues et je n’ai que le temps de plier mes affaires en pestant.
_ Allez, venez vite vous mettre à l’abri !
Waouh… un jeune homme brun et ténébreux me fait signe de monter à bord de son gros bateau à moteur.
_ Merci, c’est vraiment sympa.
_ Pour l’art, on ferait n’importe quoi, dit-il en souriant avec des yeux qui pétillent.
Installée sur une banquette moelleuse, à l’abri d’un auvent de toile, dessiner sous la pluie prend alors une toute autre dimension.

Marylou au ponton 5

Marylou au ponton 5, encre et aquarelle

De retour à la maison, je fais un truc qui me paraissait impensable aux Antilles : une tasse de thé brûlant et un long bain bouillant pour me réchauffer car je suis totalement frigorifiée… et désespérée par ce temps pourri qui ne semble pas vraiment sur le point de s’arranger.
Bien décidée à profiter malgré tout de mon après-midi, je réserve une excursion sur l’Aquabulle, un bateau à coque de verre qui permet d’observer les fonds marins. Un plan « vacances débiles à la c… », mais pour une fois, j’assume !
J’embarque donc à 15h00 en compagnie d’un groupe de braves retraités bedonnants et de familles encombrées d’enfants surexcités. Delphine, ne te plains pas, c’était couru d’avance. Tiens, un coin de ciel bleu se dévoile.
Même à travers les parois vitrées de l’Aquabulle et les commentaires ridicules de mes voisins, la magie opère : je ne me lasse pas du spectacle des poissons vibrionnants entre les coraux tels des éclairs d’arc-en-ciel.

Les petits poissons

Les petits poissons, encre et aquarelle

Après une baignade – snorkelling, Clément sert le gouter à bord .
Et hop, un planteur ! Il n’est que 16h30, mais c’est délicieux à n’importe quelle heure.

Clément de l'Aquabulle

Clément de l’Aquabulle, gouache

Fin d’après-midi au Marin.
Je consulte fébrilement les derniers relevés de position. Oxymore est toujours prévu dans la soirée, malgré le vent qui faiblit.
A l’Annexe, je déguste un fabuleux ti punch accompagné d’accras croustillants. J’enchaîne avec le pot de bienvenue offert aux familles par l’Office du Tourisme du Marin. OK pour le planteur fruits de la passion ! J’ignore si mon foie résistera à mes vacances martiniquaises…
Le ciel se pare de teintes flamboyantes et la nuit tombe brutalement. J’ai la tête qui tourne mais impossible de résister à l’appel d’un dessin, surtout quand la lune s’en mêle. Incroyables nuances bleu nuit, bleu marine, bleu roi. Les mats se dressent comme des tiges suspendues par dizaines aux étoiles.
Affalée sous un lampadaire, je goûte le bonheur de peindre les fières silhouettes des bateaux au mouillage en tendant l’oreille pour glaner au vol des bribes d’aventure. « … le premier qui nous sert un plat d’algues au restau, il est mort… »

Marina du Marin, nocturne

Marina du Marin, nocturne, gouache

Comment tuer le temps avant l’arrivée d’Oxymore… Je suis pompette.
Tu me manques et les dernières minutes sont interminables. N’y tenant plus, je me hâte vers la jetée, munie d’un livre pour patienter et d’une bouteille de Champagne. La VHF d’un rouge qui fait les cent pas grésille. Ça y est enfin, on annonce l’arrivée imminente de deux bateaux. Mon cœur fait des bonds. C’est bien toi !!!!!
A 20h19 et 54 secondes tu franchis la ligne d’arrivée, second des solos. Encore un peu de patience avant de voir s’avancer dans le port la coque grise d’Oxymore derrière le zodiac des rouges qui te guide jusqu’à ta place. Enfin, tu t’amarres vers 21h15.
On t’accueille avec des applaudissements et un verre de rhum. Tu souris, radieux avec ta barbe de 15 jours, bronzé, vif et alerte comme si tu venais de faire une simple promenade en mer. Je me jette littéralement dans tes bras en m’envolant sur Oxymore juste avant de me faire engueuler par le rouge qui doit vérifier à bord que tout est bien conforme.
C’est un moment magique : flashs des appareils photo, caméra, interview. J’essuie discrètement une larme de fierté et de joie.
Quelle belle victoire !
Tu as réalisé ton rêve.

Laurent à l'arrivée, Transquadra 2015

Laurent à l’arrivée, Transquadra 2015

#1 Transquadra, Madère-Martinique, Carnet de voyage

7 février 2015

En route vers Orly, je frétille d’impatience à l’idée de retrouver Laurent en Martinique.
Il a pris le départ de la seconde étape de la Transquadra sur Oxymore le 24 janvier pour une transatlantique à la voile en solitaire reliant Madère au Marin en Martinique.
Quatrième au classement des solos Saint-Nazaire à l’issue de la première manche, il s’est posé depuis de nombreuses questions existentielles sur ses capacités à traverser l’Atlantique. « Et si je suis ridicule ?, et si et si et si… »  Nous avons eu droit à tous les symptômes psychosomatiques avant son départ pour Madère : état grippal, mal au ventre, un mal au genou inexplicable, une humeur de dogue…
Moi, j’ai confiance !
24 janvier, 8h30
Moi (France) : Ben, je t’appelle pour te dire au-revoir…
Laurent (Quinta Do Lorde) : Hrumfff.
Moi : ???? Bon, ça va ?
Laurent : Oui oui.
Moi : Tout se passe bien ?
Laurent : Oui oui.
Moi : Bon, ben sois prudent, j’ai confiance en toi, t’es le meilleur, tu vas me manquer, je t’aime…
Laurent (pressé): Oui oui, bon je dois te laisser. A plus.

Je raccroche, dépitée. « A plus… » A l’entendre, on a l’impression qu’il sort acheter le pain ! Je réalise qu’il part pour au minimum 15 jours de traversée, tout seul, à la conquête de l’Atlantique.

Laurent fait une course magnifique et tactique, longtemps en tête du classement, dépassé depuis peu par Zéphyrin. Je suis les relevés de positions toutes les quatre heures, et les actus postées par les Rouges sur le site de la Transquadra. Arrivée prévue d’oxymore le 8 février dans la soirée, second au classement et largement devant le troisième. L’honneur est sauf !

Orly Sud

Orly Sud, Carnet de voyage Transquadra, Delphine Priollaud-Stoclet

Je tue le temps en dessinant depuis une salle d’embarquement inondée de soleil. Air Caraïbes se fait une beauté sous un magnifique ciel bleu… et je suis enfin en vacances, pressée de découvrir la Martinique et rêvant de ti punch sous les cocotiers !

En cabine, vol TX5924

En cabine, vol TX5924, Carnet de voyage Transquadra, Delphine Priollaud-Stoclet

Tout en croquant mes voisins distraitement, je songe aux mails trop rares de Laurent. Il faut bien avouer que le prix de la minute du forfait iridium par satellite décourage toutes velléités d’écriture. J’avais des consignes précises : pas plus de 2 lignes, pas de texte en gras, pas d’images, pas de majuscules, pas d’italique.
Moi, ironique : tu préfères que je laisse les mots tout attachés sans espaces sans ponctuation pour économiser des octets, ou bien j’ai le droit de les séparer ?
Laurent : Ha ha ha…
Quand un mail en provenance d’Oxymore@skyfile.com atterrit dans ma boîte, mon coeur palpite et je tangue… Grâce au ciel, on a des nouvelles de la mer : magique !

27 janvier

Bon, ben… RAS en fait ; il y a plus de vent que prévu (23 à 30 nds), le bateau va bien, je suis sous spi, ça avance pas mal… mon option sud est volontaire (disons que j’ai suivi le routage !), mais je pense me recentrer demain. Pour ce qui me concerne, aucun bobo, je suis juste très fatigué, j’aimerais bien un poil moins de vent pour pouvoir dormir plus !

Tombé à l’eau le 27 janvier, Patrice Carpentier est récupéré de justesse par son équipier, on dénombre pas mal de casse (démâtages, chavirages, voies d’eau) et des bateaux perdus. Heureusement, les hommes ont tous été sauvés malgré des situations compliquées. Je commence à stresser en sachant Laurent tout seul au milieu de l’Atlantique. Il fait une superbe course, premier au classement des solitaires.

Classement 28 janvier

Classement 28 janvier

30 janvier
Coup de mou hier (bricolage pénible, bateau mal réglé, hypoglycémie probable,
allure chiante) , mais c’est passé et ça repart ! hier les autres ont fait à
peine mieux mais j’ai pas le classement de ce matin. A suivre !

31 janvier
je n’ai pas le classement de ce matin mais ça va pas être beau : nuit catastrophique sans vent, j’ai eu le tord de suivre le routage qui, en théorie, contournait la zone de « molle » mais en pratique, ben, pas totalement… heureusement c’est revenu ce matin. Je crains que mes camarades plus au sud n’aient pas eu cette molle et me passent en une nuit! Bon,à part ça, RAS, le spi orange est en l’air, le prochain empannage est prévu pour demain fin d’après-midi (sauf imprévu, grain, etc.), le skipper va bien. Pour l’iridium, il me reste ce matin 39 mn, avant envoi de ce mail et réception du classement. Je consomme env. 20 mn par jour (1 classement = 4 mn, 1 requête GRIB = 2 mn, réception du GRIB = 6 mn, le tout c’est si ça plante pas parce qu’alors faut recommencer… et les minutes « perdues » sont quand même décomptées, évidemment). DONC : il va falloir en remettre ; MAIS on est le WE et ça risque d’être fermé, en tout cas demain c’est sûr. Peux-tu voir s’il est possible de remettre des minutes aujourd’hui (ce matin), sinon à défaut lundi matin à la première heure ? (de toute façon je risque de n’avoir ni météo ni classement avant lundi, on ne peut pas dire que ça m’arrange…).

2 février
Merci pour la recharge Iridium. J’ai reçu un classement (so far so good), pas encore la météo. Bon, apparemment ceux du sud n’ont pas franchement plus de vent, les écarts
semblent se tenir depuis « la molle ». J’aurais repris 3 milles à Pierrick cette nuit ?
D’après Rémi, plus de grand spi pour JF Hamon, dommage pour lui mais pour moi c’est une bonne nouvelle… je caresse l’espoir qu’il reste derrière ; reste Pierrick Penven, l’animal va vite et il est bon en nav ! Du coup, au Général, ça pourrait faire podium si Solua reste bien là où il est, voire 2 si j’arrivais à mettre JFH suffisamment loin derrière…? On verra, il reste encore pas mal de route, ne vendons pas la peau etc etc !! Sinon, super conditions de nav, sous spi et sous le soleil, même si parfois c’est un peu « mou » ; le bateau va bien (et il a toutes ses voiles, lui !), le skipper aussi. Il pense à se laver pour la 1ère fois depuis le départ, c’est dire !

Ah ! Cette fameuse molle que d’autres appellent également bulle. Elle fait débat, entre les partisans de la ligne directe, ceux de la route nord et les Sudistes.
Visiblement, la ligne droite n’est pas la plus rapide et nombreux sont les concurrents tombés dans le piège de cette bulle anticyclonique : rien d’autre à faire que de se traîner à 3 noeuds de moyenne tandis que doublent à toute vitesse les tenants de la route sud bien plus ventée.
Mais c’était sans compter les sargasses… car voilà le véritable ennemi des concurrents : une algue malfaisante qui les a tous traumatisés. De gigantesques nappes de sargasse, véritables pièges pour les safrans, empêchant d’avancer, déréglant le bateau et contraignant les skippers à d’épuisantes manoeuvres.

3 février
Des algues, des algues, P….. D’ALGUES !!! c’est insupportable.
T’aurais pas quelques millions de tonnes d’acide sulfurique sous la main ??

Ils ont tous eu des pensées meurtrières envers les sargasses : l’acide, la marée noire, le napalm… La première question sur les pontons, à l’arrivée : « alors, comment t’as fait avec les sargasses ? » et la réponse : « Saloperie de merde, on en a bavé… une autre Transquadra avec les sargasses ? Ah non, certainement pas. »

3 février, plus tard
Bon, tu auras peut-être remarqué des vitesses inhabituellement basses… j’ai décidé de prendre un bain. De 3 heures. Volontaire, dans un sens (je ne suis pas tombé, j’y suis allé de mon propre gré) mais forcé quand même, pour démêler un bras de spi pris dans la quille, l’hélice, les safrans… C’est reparti, je suis pas mal énervé mais toujours motivé.
J’ai hâte de te voir…

Je tente d’imaginer Laurent barbotant dans les algues pour une petite thalasso, juste raccordé à Oxymore par un bout, en plein milieu de l’Océan, sans âme qui vive autour… Je ne suis pas d’un naturel stressé, mais là, tout de même ! Le fin mot de l’histoire : 3 heures passées sous la coque pour démêler un bras de spi entortillé dans l’hélice parce que cet étourdi avait embrayé son moteur en marche arrière (les équipages ont le droit de démarrer le moteur au point mort pour recharger les batteries uniquement). Et Zéphyrin qui prend de l’avance ! Je lance une imprécation contre Pierrick depuis mon atelier : cela a pour effet immédiat de cramer ma box internet et de me valoir 2 heures de hotline avec Orange (qui n’a de hot que le nom et la couleur…)… Véridique !

6 février
Nuit pluvieuse, venteuse, lever de soleil gris et humide… on se croirait n’importe où sauf aux Antilles ! heureusement que j’ai un clavier étanche … Je n’ai pas le classement de ce matin mais pour la victoire ça sent pas bon ; reste à accrocher la 2ème place, suffisamment loin devant JF Hamon ! Quand arrives-tu ? Pour moi, sans doute dimanche dans la journée, à voir.

From the sky

From the sky, Carnet de voyage Transquadra, Delphine Priollaud-Stoclet

Nous atterrissons  dans deux heures environ. Un dernier croquis – j’adore le Boeing 747, spacieux et lumineux – de la cabine. Malheureusement, impossible de dessiner à l’intérieur du cockpit, même en faisant les yeux doux à l’équipage.

En cabine, vol TX 5924

En cabine, vol TX 5924, Carnet de voyage Transquadra, Delphine Priollaud-Stoclet

Bienvenue à Fort de France, température au sol 30 degrés, ciel gris, nuageux, petite pluie.
Il est 16h00, heure locale.
Après avoir récupéré ma valise, je saute dans un taxi tandis qu’une espèce de fanfare de carnaval tambourine dans un vacarme indescriptible à la sortie de l’aéroport. Direction le Marin.
Il pleut des trombes d’eau. Disons que ça porte bonheur…

Carnets de vacances… Carnets de voyage de Delphine Priollaud-Stoclet

Quand il fait gris, je plonge la tête la première dans mes carnets colorés… pour me noyer dans mes petits souvenirs de vacances ! Je déteste griller sur la plage, mais quel bonheur de bronzer en croquant le délicieux spectacle des vacances tandis que le secouriste veille au grain… A suivre l’été prochain !

La plage, Théoule sur Mer

La plage, Théoule sur Mer, feutre et aquarelle.

ESQUISSES BIRMANES # Extraits 1

Carnet de voyage au Myanmar, 23 mars 2013 – 7 avril 2013

Jeune femme, Cité royale d'Awa

Jeune femme, Cité royale d’Awa, Carnet de voyage en Birmanie, Delphine Priollaud-Stoclet 2013(c)

Quinze jours pour arpenter au pas de course une terre d’or, d’eau et de rêves.
Quinze jours pour embrasser un peuple au sourire éclatant.
Quinze jours pour essayer de percer à jour les enjeux d’une situation politique compliquée.
Quinze jours pour se plonger dans l’intimité de Bouddha.
Quinze jours de dessin frénétique au rythme des milliers de pagodes de Bagan, des reflets ondulants du lac Inle, de la poussière d’ocres et d’oxydes poudrant les routes cahoteuses, des visages rehaussés de tanaka et des crachats écarlates de jus de bétel.

Wynn, notre guide au français impeccable, est un homme d’une belle générosité.

Wynn

Wynn mange sa soupe – Carnet de voyage en Birmanie, Delphine Priollaud-Stoclet (c)

Il m’a emmenée à Fairy Land, un surnom qu’il a donné à un ensemble de pagodes en ruines dissimulées au cœur d’une végétation luxuriante, pour me montrer une statuette de Bouddha qu’il avait soigneusement cachée là des années avant pour la protéger ; il m’a présentée à son Bouddha préféré dans la grotte de Pindaya et nous avons longuement discuté tandis qu’il le dépoussiérait avec des gestes incroyablement doux ; il m’a ouvert les portes d’un monastère seulement habité par un unique moine vénérable très âgé et quelques chats, et s’est adonné aux prières rituelles en toute confiance ; enfin, après s’être livré sans fards sur la condition politique de son pays, il nous a offert l’hospitalité à Yangon dans le monastère qu’il a contribué à faire construire avec l’argent de ses pourboires. Quelle expérience que celle de déguster des mets inconnus tandis que les fidèles se succèdent pour lire sans interruption la vie de Bouddha…

Moine

Moine,

Grâce à lui, j’ai découvert une Birmanie hors des sentiers battus, une Birmanie faite de chair, de sang, d’or et de terre. Une Birmanie aux couleurs épicées et aux saveurs douces-amères.

Sur la route

Sur la route, Carnet de voyage en Birmanie, Delphine Priollaud-Stoclet 2013 (c)

Le giacaranda violet

Le giacaranda violet, Carnet de voyage en Birmanie, Delphine Priollaud-Stoclet 2013 (c)

Sitôt atterrie à Yangon, me voilà projetée sur l’esplanade de la fabuleuse Pagode Schwegadon, toute vêtue d’or et de brillants.

Grande Pagode Schwegadon, Rangoon

Grande Pagode Schwegadon, Carnet de voyage en Birmanie, Delphine Priollaud-Stoclet 2013 (c)

La foule est aux petits soins pour Bouddha et ses innombrables répliques : offrandes parfumées, bains rituels, prières… J’ai le vertige, autant à cause du jetlag que de sentir grouiller autour de moi autant de monde. Et pourtant je suis apaisée et sereine, heureuse de dessiner et étonnée de voir à quel point les visiteurs birmans s’intéressent à mes aquarelles. Je suis photographiée sous toutes les coutures… L’arroseur arrosé !

A Schwegadon

A Schwegadon, Carnet de voyage en Birmanie, Delphine Priollaud-Stoclet 2013 (c)

Petite nonne en méditation, Schwedagon

Petite nonne en méditation, Schwedagon, Carnet de voyage en Birmanie, Delphine Priollaud-Stoclet 2013 (c)

Incomparable quiétude de Bagan, la plaine aux huit mille temples. Stupas et pagodes surgis de terre tels des fleurs de pierre centenaires poudrées de rouge, de chaux et d’or. Noyés dans une brume bleutée, les temples apparaissent et disparaissent comme par enchantement, tantôt flous, tantôt silhouettes délicatement ciselées par le ciel.

Bagan

Bagan, Carnet de voyage en Birmanie, Delphine Priollaud-Stoclet 2013 (c)

Les cérémonies des offrandes se succèdent sous l’œil tutélaire des Bouddhas de plus en plus obèses au fur et à mesure que les croyants collent avec dévotion d’impalpables feuilles d’or martelées, gages de leur foi.

Moines à Bagan, pendant la cérémonie des offrandes

Moines à Bagan, pendant la cérémonie des offrandes, Carnet de voyage en Birmanie, Delphine Priollaud-Stoclet 2013 (c)

Frappeurs d'or à Mandalay

Frappeurs d’or à Mandalay, Carnet de voyage en Birmanie, Delphine Priollaud-Stoclet 2013 (c)

La tentation de Zanzibar

Chronique de mon voyage à Zanzibar, merveilleusement conçu à la carte par Clothilde, de l’agence Monde Authentique, en juin 2012.
11 juin 2012, Roissy CDG, Terminal 2A porte A43.
Dans l’urgence, je dessine le trio de Japonaises désœuvrées qui s’ennuient face à moi. Quatre sœurs indiennes m’accostent dans un anglais très épicé : « Oh, you’re a sketcher !!!! » Yes, indeed…

A Roissy, départ pour Zanzibar

Nous embarquons quelques minutes plus tard sur un vol Oman Air.
Ultime destination : Stone Town, Zanzibar.
Zan-zi-bar… consonances parfumées au réglisse et allitération préférée des abécédaires, rime joyeuse, le prénom magique d’une île singulièrement lointaine. Mon rêve rimbaldien prend forme, enfin… Je pars dessiner les trésors dissimulés derrière de lourdes portes sculptées, les femmes voilées métissées d’Inde, d’Afrique et d’Orient, le goût amer du café noir et la saveur des épices, l’ombre pesante des marchands d’hommes et de femmes, l’océan paré d’émeraude et de turquoise.

En vol, puis en escale à Muscat
Les hôtesses, ravissantes et attentionnées, évoluent en uniforme céruléen. Belles à croquer !

L’Orient des mille et une nuits palpite en escale à Muscat dans mon carnet Moleskine tandis que l’aquarelle souligne une ombre mordorée, un œil voilé, des tissus d’ailleurs.

Escale à Muscat

Escale à Muscat

De Muscat à Zanzibar

Le 12 juin 2012, je pose enfin le pied sur Zanzibar et les yeux sur l’Afrique orientale.
A cet instant, les heures s’allongent et les jours s’étirent.
Détendu comme un vieil élastique, sans mesure fixe, le tempo de Zanzibar bat au rythme des pages de mon carnet.

Kizimkazi

Kizimkazi

De Kizimkazi à Jambiani les acrobates enchaînent sur le sable blanc les sauts périlleux et les jeunes filles déploient leurs voiles bleus d’écolières. Les ramasseuses d’algues et les pêcheurs de coquillages entament une chorégraphie rythmée par les marées. Le sable mouillé brille en reflétant la course des nuages.

Zanzibar

Ramasseur, Zanzibar

Ramasseuses de coquillages

Enfant, Zanzibar

Jambo, jambo ! Les enfants du village, curieux, déboulent.

Princesses en haillons du dimanche et petits garçons fanfarons, la morve au nez, le verbe aigu ; ils se moquent ouvertement, singent notre accent français quand nous balbutions quelques mots de swahili, et quémandent avec un sourire éclatant un stylo, un bonbon, un dessin.

Fillette, Zanzibar

Enfants, Zanzibar
Femme, Kizimkazi

Les villageoises se méfient des esquisses à leur image. Je capte à la volée une silhouette féminine bien vite dissimulée, de temps en temps un portrait consenti.

Marcheuse, Zanzibar
Le village de Jambiani, Zanzibar
dala-dalamangrove, ZanzibarAli nous transporte en dala-dala sur Uzi Island. Expérience tape-cul du cahot ! Un baobab déploie son ombre et me parle d’Afrique. La vie s’écoule paisiblement dans ce village du bout du monde accessible uniquement par une route pavée de corail tracée à travers la mangrove arachnéenne.
Uzi Island
Inoubliable pique-nique sur la plage déserte, composé de savoureux poissons grillés au barbecue et d’ananas sucré.
Uzi Island, après le pique-nique

Boutre, Uzi IslandCertaines somnolent à l’ombre du dala-dala ; je préfère fouiller le sable à la recherche des coquillages ciselés par l’océan, ou dessiner à l’ombre d’un boutre échoué.

Le temps s’étire lentement, avec une grâce toute féline.

 

« …cette insouciance, cette apparente absence de mémoire, qui font la beauté de ces palais abolis, de ces cimetières d’une religion indécise, aux tombes renversées, de ces escaliers effondrés donnant sur des cours vides d’où jaillit la flèche d’un cocotier, de cette forteresse portugaise livrée aux piaillements des orphelins d’Etat et de ces bains persans aux coupoles béantes, alourdies de chauves-souris en grappes […] attestant que si l’Afrique est le continent où les choses vieillissent le plus vite, c’est aussi celui où elles durent le plus longtemps. »
La ligne de front, Jean Rolin

Stone Town
Aspirée par les ruelles étroites de Stone Town, je plonge au cœur de la ville mère de toutes les villes, assaillies par d’autres souvenirs de voyages.
Une parcelle de La Havane, un fragment marocain, des réminiscences vénitiennes, quelques soupçons d’Inde et d’Asie…
Stone Town
Echoppe, Stone Town, ZanzibarEnfant, ZanzibarAladin surgit à chaque croisement, espiègle, courant vers quelques menus trésors ; Shéhérazade et ses sœurs déambulent, indifférentes à ces merveilles, s’arrêtent quelques instants, happées par l’ombre d’une échoppe, puis disparaissent dans l’entrebâillement d’une monumentale porte cloutée fleurie d’arabesques, aussi vite refermée.
Stone Town
Un chat peu farouche à l’allure égyptienne se laisse caresser. Il se frotte à mes jambes, certainement un habitué de ce kiosque en front de mer des Forodhani Gardens idéal pour déguster un expresso.
Des adolescents entament un concours de plongeons ; un porte-containers barre l’horizon.
Porte-containers, Stone Town, Zanzibar
Le décor parfait pour une gouache rapide, point de départ d’une longue conversation avec le serveur, étudiant en arts plastiques. J’apprends que je suis déjà repérée dans toute la ville… « You are the painter ! »

Happy hour !Les soirées commencent par un cocktail au Mercury’s bar, quand le soleil se couche sur le ballet rougeoyant des jonques et des boutres. Elles s’achèvent par un verre sur la terrasse oriental chic du 236 Hurumzi. Des toits de Stone Town intimement enlacés émergent coupoles et  minarets sonores, balustrades en dentelle de bois et de métal ajouré, clameurs de rue.

Marché de Stone Town, Zanzibar
Au marché, Stone Town

L’âcre puanteur du poisson séché ne m’indispose même pas, les couleurs vives du marché de Darajani s’imposent avec puissance.
Une poubelle nauséabonde accapare le meilleur point de vue sur les régimes de bananes géantes et les étals de fruits et légumes.

Au marché, Stone Town

Tant pis ! Je me cale tant bien que mal en évitant les nuées de mouches vertes pour peindre la lumière orange et bleue projetée par les voiles tendues en guise de parasols, la chaleur poivrée, le rouge piquant des piments, le souffle de la foule, l’énergie nourricière et ces goûts que je devine puissants, sucrés et amers.

Quittant Stone Town, je songe à cette minuscule cellule du Marché aux esclaves où s’entassaient plus de trois cents hommes, femmes et enfants enchaînés, affamés, assoiffés, malades. On envoyait les survivants suer sang et eau dans les plantations de giroflier pour le compte du puissant sultan de Mascate.

Pêcheur, Nungwi, Zanzibar

Pêcheurs à Nungwi, Zanzibar

A Nungwi, les pêcheurs accroupis enfilent avec dextérité des colliers de poissons qui sècheront au soleil. Certains remaillent un filet, d’autres fument une cigarette en nous observant dessiner, perplexes. Les chèvres gambadent sur la plage.
Plus loin, des charpentiers retapent une vieille coque.
Chantier des boutres

Chèvres, Nungwi, Zanzibar

La lessive, ZanzibarA quelques pas, une jeune femme lave son linge dans un baquet calé entre ses jambes. Joli sujet ! Se sentant observée, elle lève les yeux, gênée mais flattée tout de même, pataugeant dans sa lessive. Les hommes du village m’entourent pour commenter le dessin dans leur langue chantante, riant et pointant du doigt la malheureuse. Elle se prénomme Mwanivua.

Pêcheur, Zanzibar
16h30, l’heure du départ pour la pêche de nuit. Comme par magie, la mer se couvre d’ailes blanches triangulaires, gonflées par le vent du soir.
Plaines liquides poissonneuses ponctuées par le sillage des boutres. Lumière laiteuse, ciel bas, nuages argentés striés de mauve.
Boutres, départ de pêche, Zanzibar

Je ne parviendrai jamais à atteindre le village de Kiwengwa, chaque fois happée par la tentation d’un dessin.
Kiwengwa, Zanzibar

Quand la mer se retire, quand le soleil perce à travers les nuages, alors l’horizon dessine une ligne marine tandis qu’une nappe d’algues phosphorescentes s’accroche à la lumière.
Le ciel se voile de violet violent.
Ramasseuses d'algues, Kiwengwa, ZanzibarLes ramasseuses d’algues rentrent, drapées de varech vert de cobalt.

Ramasseuse d'algues à Kiwengwa

Algues séchant au soleil, Kiwengwa, Zanzibar

La récolte du jour suspendue aux portiques de bois flotté évoque de sombres chevelures poisseuses ; et les étoiles de mer agonisent en tas puants, vermillon, pourpre et indigo.
Un troupeau de buffles défile lentement sur la plage.

Au revoir Zanzibar.
Salle d'embarquement à Stone Town
Carnet de Zanzibar, Delphine Priollaud-Stoclet

Voyages du bout du monde – Croquis au Musée des Arts Premiers

Parures, masques, grigris, totems, tapisseries, tuniques, pipes, épingles, ex-voto, bijoux, tapisseries, couvertures, ombres chinoises et rituels d’au-delà les mers et les horizons… J’ai enfin découvert aujourd’hui ce beau musée aux courbes sculpturales dessinant un écrin digne des magnifiques collections exposées.
J’ai glané ci et là quelques croquis volés à la pénombre : la grimace drôle et terrifiante d’un masque kanak dialogue avec un chevalier chinois délaissant son théâtre d’ombres ; une épingle à cheveux aux délicates plumes, la main de Fatma renfermant en son cœur une fleur ciselée dans l’argent.
Des trésors qui parlent de territoires inconnus, de mœurs étranges et étrangères, de rêves de voyages.

Au Musée des Arts Premiers

Au Musée des Arts Premiers, croquis de voyage. Delphine Priollaud-Stoclet.

Bye bye New-York – 11 novembre 2012

Et voilà ! Dernier jour à New-York… Il fallait bien que cela arrive !
Nous décollons en fin d’après-midi de Newark : nous avons donc encore un peu de temps aujourd’hui pour en profiter un maximum.
Pendant que Claudia boucle sa valise, je m’installe en contrebas de la station de métro 39th avenue, juste à côté de notre hôtel, tenant à dessiner cet aperçu d’un New-York moins spectaculaire mais très attachant.

39th-avenue, New-York

39th-avenue, New-York. Gouache.

C’est dimanche aujourd’hui, et il est impossible de quitter New-York sans écouter du gospel dans une église à Harlem. Mon choix se porte sur la First Corinthian Baptist Church.
Nous nous asseyons au milieu des fidèles. Les dames sont endimanchées, l’ambiance bon enfant fait plaisir à voir. Quand la messe commence, avec des Gospels plein de ferveur, les larmes coulent toutes seules… Une jeune femme se promène en distribuant des kleenex ! Visiblement, je ne suis pas la seule à être émue. On s’embrasse, une dame me serre dans ses bras, toute le monde danse et chante, j’applaudis à tout rompre avec l’assemblée… Un moment intense et magnifique.

Gospel à Harlem

Gospel à Harlem, néocolors.

Avant de récupérer nos valises et de prendre le train à Penn Station pour l’aéroport de Newark, Claudia insiste pour voir une dernière fois Times Square en mangeant un hot-dog acheté à la va-vite dans une petite baraque.
Et voilà, notre aventure new-yorkaise s’achève… Une vue du tarmac depuis la salle d’embarquement en buvant un dernier café américain dans un gobelet en carton (c’est absolument dégoutant, mais si typique !).

Aéroport de Newark - New-York

Aéroport de Newark – New-York. Encre de Chine.

Nous embarquons sur un vol United, avec un équipage très sympathique, mais vieillissant… Il va sans dire que je peux me retenir de dessiner cette hôtesse adorable et toute ridée ; et de noter ce bon mot de ma fille : « Mais c’est jeune et joli, d’habitude, une hôtesse de l’air, hein maman ? »

Hôtesse, vol United New-York-Paris

Hôtesse, vol United New-York-Paris. Encre et néocolors.

I ♥ New-York – 10 novembre 2012

Au programme de la journée : visite du Museum d’Histoire Naturelle, puis promenade dans Little Italy et China Town et sunset sur Manhattan depuis Brooklyn.
Mais avant, je tiens absolument à dessiner une vue du Chrysler Building, ce gratte-ciel Art Déco à la pointe spectaculaire, depuis la 42th Street.
Je m’installe par terre et déballe mes gouaches sous l’oeil réprobateur de Claudia : « On va te prendre pour une clocharde ! Et puis c’est dégoutant par terre… » Et alors ? Bon, elle n’a pas tout à fait tort…
La lumière du matin est voilée, et le Chrysler joue à cache-cache avec la brume.

Le Chrysler Building

Le Chrysler Building. Gouache.

Oups… J’ai oublié de changer la date sur le tampon dateur.

Nous nous rendons ensuite au Museum d’Histoire Naturelle pour assister au spectacle sur la naissance des étoiles dans le planétarium. Bof… C’est bien parce que c’était inclus dans notre City Pass.
Puis direction Little Italy, qui n’a plus grand chose d’italien… Le quartier se laisse grignoter peu à peu par China Town, beaucoup moins pittoresque de jour que de nuit.
Nous accusons toutes les deux un vrai coup de fatigue… Mon sac pèse trois tonnes et je rêve de m’assoir à table. Nous optons, faute de mieux, pour une pizzeria à touristes. Je m’offre un petit verre de vin rouge italien, pas mauvais du tout…
Retour à Soho, Claudia voulant s’offrir une dernière séance de lèche-vitrine. A défaut de chaussures, je lui offre un délicieux cupcake aux trois chocolats tout en buvant un capuccino King Size dans un affreux gobelet en carton.

Nous nous déplaçons uniquement en métro : c’est le seul endroit où je suis capable de m’orienter facilement… J’en profite toujours pour croquer rapidement mes voisins de ligne. La meilleure façon d’avoir une galerie de portraits des « vrais gens ».

De lignes en lignes

De lignes en lignes. Encre et Aquarelle.

J’emmène Claudia à Brooklyn pour lui montrer une vue imprenable sur Manhattan depuis la Brooklyn Heights. Bien sûr, nous nous perdons et enchaînons les tours en rond… Claudia traîne des pieds et ronchonne. Finalement, après quelques détours, nous y sommes : la vue, sublime comme au cinéma, avec le pont de Brooklyn en arrière-plan, est magnifiée par la lumière du soleil couchant. Une aquarelle s’impose. Aïe ! Claudia va mordre…

Brooklyn Heights

Brooklyn Heights. Aquarelle.

Impossible de quitter NYC sans dîner dans un authentique Déli.
Mon choix se porte sur le Katz’s Deli, là où Harry rencontra Sally… Pour ma part, nous n’avons rencontré qu’un menu hors de prix et des plats inodores et sans saveurs.
Nous rentrons nous coucher, dépitées, et tristes de penser que demain sera notre dernière matinée à New-York.

I ♥ New-York – 9 novembre 2012

Je me réveille à 5 heures du matin, pour vérifier si le traitement dispensé la veille aux Ugg a bien agi : avant même de boire mon premier café, la paupière lourde, me voilà en train de brosser doucement les bottes dans le sens du poil, de les lustrer avec une gomme spéciale, de les caresser délicatement pour les faire briller… Heureusement que personne ne me voit !
Et miracle ! Elles reprennent du poil de la bête, se radoucissent et retrouvent leur bel aspect duveteux et soyeux. Ouf…
Après avoir vérifié trois fois la météo et constater qu’il ne neigera ni ne pleuvra aujourd’hui, Claudia chausse enfin les Ugg ressuscitées.

Il fait un temps magnifique, idéal pour monter au sommet de l’Empire Building et profiter d’une vision à 360 degrés de Manhattan. Il règne un vent glacial, mais la vue est à couper le souffle.

Depuis l'Empire State Building

Depuis l’Empire State Building

Je montre ensuite à Claudia le Flat Iron Building, un de mes buildings new-yorkais préféré. Nous le dessinons, légèrement à contre-jour, installées au milieu d’un petit marché provençal qui fleure bon la lavande. C’est délicieusement décalé !

Le Flat Iron Building

Le Flat Iron Building. Encre de Chine.

J’emmène Claudia déjeuner à l’Empire Diner après une petite balade dans le quartier de Chelsea. L’Empire Diner est un restaurant typique très sympa : nous sommes attablées dans un véritable wagon, et servies par de charmantes hôtesses très sexy. Les frites sont délicieuses…

L'Empire Diner, Chelsea

L’Empire Diner, Chelsea. Encre de Chine.

Nous découvrons ensuite la High Line, toujours à Chelsea : un parc urbain suspendu  aménagé sur une portion désaffectée des anciennes voies ferrées aériennes du Lower West Side. Une promenade bien agréable au soleil qui nous permet de croiser des mannequins en petites robes d’été, une installation contemporaines et des vues sur l’Empire State building à travers les arbustes recouverts de givre.
Le dessin ci-dessous montre Claudia, assise sur le banc, en train de dessiner. Remarquez les Ugg…

La High Line, Chelsea

La High Line, Chelsea. Encre de Chine.

Je décide de retourner au MOMA (nous l’avions visité au pas de course une heure avant la fermeture la veille). Claudia s’insurge, mais j’insiste !
Sur le chemin, je tombe en arrêt devant cette vue du Radio City Hall au soleil couchant…

Le Radio City Hall, New-York

Le Radio City Hall, New-York. Encre et aquarelle.

En sortant du MOMA, nous nous rendons sur Canal Street dans une boutique de matériel Beaux-Arts sur 5 étages. A mon tour de frétiller… Je suis très raisonnable : j’achète uniquement un petit flacon de colle et quelques rouleaux de scotch de masquage très fin (introuvable en France). Nous arpentons ensuite Chinatown de nuit avec l’impression d’avoir quitté New-York pour Bangkok…
Nous choisissons de manger chinois au 69, situé 69 Bayard Street, en plein Chinatown. Ce restaurant est entièrement tapissé de billets de 1 $. Etonnant !
En tout cas, les portions sont généreuses et l’ambiance au rendez-vous.

Le 69

Le 69. Encre de Chine.

I ♥ New-York ! 8 novembre 2012

La neige n’a pas fondu pendant la nuit et les New-Yorkais s’activent pour dégager les trottoirs, avec une efficacité remarquable.
Les Ugg ont passé une bien mauvaise nuit : poil terne et peau rugueuse, auréoles d’humidité dessinant de larges cernes… Où sont passés les douillets chaussons moelleux tout doux ? Claudia jauge l’étendue des dégâts avec un désespoir palpable ! Allez, j’ai lu que le kit d’entretien vendu par Ugg faisait des miracles…
Elle chausse ses bottes Ash (vous avez compris : ma fille est shoes addict) cloutées à têtes de mort et nous voilà parties pour patiner sur le pont de Brooklyn.
C’est très amusant d’observer les gens se casser la figure et perdre l’équilibre, surtout les touristes japonaises en escarpins à talons et mini-jupe : le pont est tout gelé, mais quelle vue ! J’ai failli perdre mes deux pieds et mes 10 doigts en dessinant par 10 cm de neige et -5 degrés la fabuleuse trame de câbles arachnéens qui soutiennent ce pont emblématique.

Le pont de Brooklyn

Le pont de Brooklyn. Encre et aquarelle.

Après une décongélation express autour d’un chocolat chaud et d’un expresso brûlant dans un salon de thé du Financial District, nous tentons une expéditions punitive pour ma carte bancaire dans le vrai Century : Claudia frise l’évanouissement devant tant de marques et de fringues ! C’est moi qui craque pour un cabas Kipling (la marque au petit singe) vermillon, idéal pour transporter mon bazar graphique.
Déjeuner dans un bar à nouilles, puis direction la boutique Ugg (aaaaaarghhhhhhh) de Soho pour acheter de quoi soigner les précieuses bottes. Je me détends en pensant très fort à Georges C. tout en sirotant un cappuccino de la mort au store Nespresso de Prince Street.
On enchaîne avec une petite perspective à la gouache des façades métalliques de l’Iron District : j’adore !

Soho

Soho. Gouache.

Claudia me harcèle pour acheter des Vans : je n’en crois pas mes oreilles… Trop gentille, j’accepte d’écumer Broadway dans tous les sens avant de jeter l’éponge. Le modèle qu’elle désire est introuvable et mes pieds n’en peuvent plus.
Dîner chez Zante, avant de procéder à la séance « récupération Ugg ».
Vous lirez demain si ça a marché…