A quoi sert le dessin, à fortiori le carnet de voyage ?

Souk Attarinne, Marrakech

Souk Attarinne, Marrakech, novembre 2014. Delphine Priollaud-Stoclet

« Le travail de l’auteur suggère la possibilité d’une fiction suprême, reconnue comme fiction, dans laquelle l’humanité pourrait à soi-même s’offrir un comblement. Dans la création d’une telle fiction, quelle qu’elle soit, la poésie serait dotée d’une importance vitale. Les nombreux poèmes qui se rapportent aux interactions de la réalité et de l’imagination doivent être considérés comme situés en marge de ce thème central. »
Wallace Stevens, Lettre,

Remplacez « auteur » par « peintre » et « poésie » par « dessin »…

La clameur de Djema El Fna

La clameur de Djema El Fna, Carnet de voyage au Maroc, novembre 2014


À quoi sert le dessin, à fortiori le carnet de voyage ?

À produire une belle image marketée sur papier glacé, un cliché reproductible et déclinable à l’infini reprenant tous les codes « style carnet de voyage » : joli dessin exotique sur papier journal, collages d’étiquettes usées et désuètes, calligraphies abusant des pleins et des déliés, aquarelle brillante et belle facture … Bref, une image formatée comme un tube de l’été avec une recette qui a fait ses preuves ? Ou bien est-ce une mémoire sensible, une image intériorisée moins immédiate et plus difficile à cerner, une prise de risques et une recherche parfois déstabilisante et pas toujours très jolie ? Un territoire inconnu finalement, à mille lieux des sentiers balisés et rebattus qui ont la faveur de tous ceux qui craignent finalement ce qui leur est étranger et demande un effort…
Le débat est ouvert !

Et pour ceux qui s’intéressent à la question de l’interprétation, de la vérité, du statut de l’oeuvre par rapport à la réalité, je vous invite à découvrir le poème de Wallace Stevens, poète américain (1879-1955) intitulé Treize façons de regarder un merle.
Ce poème montre à quel point notre manière de regarder, d’observer la réalité et l’interprétation qui en découle modifie notre perception. Il n’existe pas de point de vue unique, mais une infinité d’imaginations (de « mises en images ») possibles et subjectives. En tout cas, il est bon de s’éloigner des apparences…

I
Entre vingt pics neigeux,
Tout était immobile
Hormis pour l’œil d’un merle.

II
J’avais trois idées en tête,
Comme un arbre
Où sont juchés trois merles.

III
Le merle tourbillonnait dans les vents d’automne —
Une petite partie de la pantomime.

IV
Un homme et une femme
Sont un.
Un homme et une femme et un merle
Sont un.

V
Je ne sais ce que je préfère
De la beauté des inflexions,
De celle des sous-entendus.
Le merle sifflotant,
Ou juste après.

VI
Des glaçons garnissaient la fenêtre allongée
De verre barbare.
L’ombre du merle la traversait
De part en part.
On sentait,
Tracée dans cette ombre,
Une indéchiffrable cause.

VII
Ô vous, minces hommes d’Haddam,
Pourquoi aller imaginer
Des oiseaux d’or? Mais voyez donc:
Le merle marche entre les jambes
Des femmes qui sont près de vous.

VIII
Je sais de fort nobles accents,
Des rythmes clairs, inéchappables;
Mais je sais, aussi, que le merle
Fait partie de ce que je sais.

IX
Lorsque l’œil le perdit de vue,
Le merle en vol marqua le bord
De l’un des cercles innombrables.

X
Apercevant des merles
En vol dans un jour vert,
Jusqu’aux macs d’euphonie
Qui poussent de hauts cris.

XI
Il passait le Connecticut
Dans une berline de verre.
La peur une fois le saisit:
Il prit l’ombre de ses coursiers
Pour des merles.

XII
La rivière est en branle.
Le merle doit voler.

XIII
Tout l’après-midi, il fit soir.
Il neigeait
Et il allait neiger sous peu.
Le merle restait
Perché dans les branches du cèdre.

C’est le souk ! Carnet de voyage à Marrakech novembre 2013

Tap tap tap, vrouuuummmmmmmm vrouuuuuummmmmmmmm, chchchch…. Le martèlement des ferronniers dans le souk Hadadine et la douceur de la laine feutrée chez les Teinturiers ; la lumière filtrée par les lanternes ajourées suspendues à un rayon de soleil ; les pigments éclatants rassemblés en perles de laine et babouches aguicheuses qui pointent leur nez, serrées comme des sardines multicolores.
Marrakech la bariolée fait son show et j’adore ça !

Dans le souk Hadadine

Dans le souk Hadadine, encre et gouache, Delphine Priollaud-Stoclet. Carnet de voyage à Marrakech

Souk des teinturiers

Dans le souk des teinturiers, encre de Chine, Delphine Priollaud-Stoclet. Carnet de voyage à Marrakech