Tokyo, la belle méconnue

Tsukuda-Carnet de voyage à TokyoL’inextricable enchevêtrement de pilotis évoque un jeu de mikado géant jeté comme ça, qui se serait planté dans la vase pour soutenir les jardinets de bric et de broc bordant le canal en cul de sac, étonnant diverticule de la rivière Sumida.
A Tsukuda, les maisonnettes affichent avec un charme fou leurs étroites façades débraillées. Tôles ondulées, bâches rapiécées avec des bouts de ficelle, bidons et pots de fleurs désordonnés décrivent l’âme d’une ville que l’on croit souvent inhumaine. Un peu plus loin se reflète le sanctuaire Shinto blotti à l’ombre des tours qui découpent le ciel.
J’imagine ce petit port grouillant d’activité quand les pêcheurs débarquaient leurs seaux remplis de poissons frétillants. Pensaient-ils alors que ce bout de sable remblayé pour faire surgir au milieu de la Sumida une île dédiée à l’art de la pêche dessinerait aujourd’hui à Tokyo les contours d’une parenthèse enchantée suspendue entre deux eaux ?
Le soleil jette une lumière blanche et froide. Réchauffant mes doigts engourdis avec en guise de chaufferette une canette de café brûlant achetée à une de ces innombrables vending machines qui ponctuent les rues de Tokyo, j’esquisse d’un délicat trait vermillon les balustres ajourées du Tsukudako Bridge.
Des cris d’enfants à l’heure de la récréation, le clapotis des amarres, le chuchotement d’une roue de vélo.
Ce soir, je quitte Tokyo.

Les stages Carnet de voyage de l’Atelier de la Salamandre