Un croquis, une histoire. Jaisalmer, une ville en or

Jaisalmer, Rajasthan

Jaisalmer, Rajasthan

Jaisalmer, Rajasthan (Inde), 3 décembre 2015

En ce milieu d’après-midi brûlant, la ruelle étroite bordée d’encorbellements de pierre ciselée si finement qu’en comparaison la dentelle paraît une broderie grossière, s’enfonce vers une flaque de soleil abolissant tous les contours.
La couleur dorée si particulière de la pierre de Jaisalmer qui rappelle le sable du désert du Thar tout proche, a donné à la ville son surnom de ville jaune.

Jaisalmer est une ville précieuse où l’or et la boue s’enlacent et s’entrelacent.

Une petite terrasse surélevée borde la rue dans le prolongement de la maison, avec une chaise en plastique abandonnée là qui offre un confort et un point de vue parfaits.
Je m’assois là pour dessiner, protégée de la foule des rats filant dans les rigoles d’égoûts à ciel ouvert.
Un peu plus tard, un père et son petit garçon prennent place également.
Il crache avec une régularité de métronome et un affreux raclement de gorge. Je préfère ne pas y penser.

L’enfant s’enhardit, attrape alors un crayon dans ma trousse. Le père s’excuse avec un sourire qui retrousse sa moustache.
J’arrache une feuille pour le petit.
Il gribouille en poussant des cris de joie, et sur mon croquis, avec un peu de gris de Payne mélangé au violet de cobalt, s’illuminent les dernières touches d’ombre.

J’abandonne à Jaisalmer un crayon de papier contre le rire d’un enfant.

Un croquis, une histoire. Indian truck

  1. Indian truck, crayons aquarellables

La route défile à un train d’enfer entre Udaipur et Bijaipur, ponctuée de cahots et de klaxons.
Vaches divagantes, cochons vagabonds, saris éclatants ondulant dans un nuage de poussière jaune, attelages de fortune. Des femmes portent en guise de coiffure d’incroyables fagots de branchages qui les transforment en équilibristes. D’autres se pavanent en amazone à l’arrière d’une mobylette, scintillantes de paillettes et breloques au kitsch magnifique.
Mais les rois de la route, ce sont les incroyables camions Tata, pavoisés comme des temples roulants pour divinités pétaradantes. Pompons porte-bonheurs, fleurs en plastoc, chromes rutilants, grigris et amulettes, décorations peintes avec amour pour conjurer le mauvais sort et les accidents. Il le valent bien !
Scotchée à la fenêtre du bus, je croque à toute allure ces monstres arc-boutés sous un improbable chargement qui doublent sans ménagements. Alertés par un coup de corne tonitruant, on se rabat vite fait, marmonnant en silence une prière afin qu’un essieu ne cède pas là, juste devant nous. Ou pour dégager par la force de la pensée une sacrée vache plantée sur la quatre voies, indifférente au Dieu Tata.